Mudhoney : Haute tension

Mudhoney signe un album électrique et dense, en prise avec une ardente actualité.

Jacques Vincent  • 19 décembre 2018 abonné·es
Mudhoney : Haute tension
© photo : Emily Rieman

Toujours en activité trente ans après sa formation, avec trois des quatre membres fondateurs encore présents, Mudhoney fait un peu figure de vétéran de la scène grunge de Seattle. Le groupe n’en est pourtant pas le représentant le plus symbolique, aussi garage que grunge et affichant plus que ses congénères une filiation profonde avec l’histoire du rock et notamment des années 1960 (voir ici cet orgue asthmatique façon Question Mark and The Mysterians dans « Kill Yourself Live »). Avouons que nous l’aimons particulièrement pour cela.

Digital Garbage est édité par SubPop, label d’origine du groupe qu’il a quitté un temps pour une major avant d’y revenir en 2000. Retour à la maison et à un positionnement plus conforme à l’éthique d’un groupe dont le chanteur, Mark Arm, explique avoir récemment pris un emploi dans un entrepôt de son label afin de faire du groupe un hobby en dehors de toute considération commerciale.

Il faut souligner à quel point SubPop reste un label impeccable tant pour la qualité de son catalogue que pour celle de ses pochettes : digipack avec rabat et pochette intérieure pour le disque. Ce qui peut se faire de plus proche du vinyle en matière de CD. Avec son rabat découpé, celle de Digital Garbage est particulièrement réussie. Le contenu musical aussi. Mudhoney montre qu’il reste le tenant d’un rock à haute teneur en énergie, colérique et rageur, avec un disque ouvert à la hache et un Mark Arm dont la voix trouve les accents d’un Iggy Pop.

ll ne faudrait pas pour autant voir la moindre intention passéiste chez Mudhoney, mais bien la permanence d’une vision. Un rock sous tension permanente et porteur d’une colère qui explose régulièrement dans la musique et dans les mots plus éructés que mâchés. Et des thèmes de chansons parfaitement d’actualité, qu’il s’agisse des dérives de l’Internet et du narcissisme morbide auxquelles il peut conduire dans « Kill Yourself Live » (« Tue-toi en direct/Tu ne seras jamais plus célèbre/Tu ne seras jamais plus populaire »), de la cupidité du pouvoir de la finance dans « Prosperity Gospel » (« La crise des emprunts immobiliers/A volé les maisons des gens/Enrichissez-vous/Gagné ! »), de la recrudescence du religieux dans « 21st Century Pharisees » ou de la destruction de la planète dans « Next Mass Extinction ». On comprend d’autant plus la rage qui traverse tout ce disque.

Digital Garbage, Mudhoney, SubPop/Pias.

Musique
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