Rocé, ou la mémoire des luttes
Le rappeur publie une compilation de textes et de chansons illustrant vingt ans de mobilisations anticoloniales et ouvrières. Un recueil engagé, au diapason de la personnalité de l’artiste.
dans l’hebdo N° 1531 Acheter ce numéro

Trublions troubadours des affres de l’exil, Slimane Azem et son complice Cheikh Nourredine ont l’habitude d’arpenter les planches, alternant sketchs et chansons, quand ils sortent en 1978, ce qui deviendra un véritable tube franco-kabyle : « La Carte de résidence », ballade musicale chaloupée entre défiance et ironie amère. « Toujours les conversations, toujours le chômage et l’immigration, après les négociations, on attend qu’on nous annonce… chaque fois ça recommence, le travail quand il est dur, c’est pour l’immigré bien sûr avec la conscience pure […] Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, si je dois vous dire adieu, sachez bien que mes aïeux ont combattu pour la France, bien avant la résidence. » Façon de rappeler la France à ses responsabilités historiques, à un moment où elle négocie avec l’Algérie de nouveaux accords de main-d’œuvre entre les deux rives. Le contexte est alors défavorable dans cet épilogue des Trente Glorieuses. Le chômage est bien installé et le bouc émissaire désigné est l’ouvrier algérien, lui et ses enfants.
Ça vaut bien ce titre, soulignant les discriminations, sans s’épargner un sourire en coin chez l’ancien berger qu’est Slimane Azem. Né en 1918 dans une famille modeste aux confins du Djurdjura, il a pris le chemin de l’Hexagone pour marner dans une aciérie de Longwy. Mobilisé, réformé puis réquisitionné pour le STO, il connaît les camps de travail de Rhénanie. À la Libération, il ouvre un troquet dans le XVe arrondissement parisien, avant d’enregistrer ses premières chansons. En 1971, il est le premier artiste algérien à recevoir un disque d’or. Auparavant, personnalité multicarte, acteur, poète, musicien, producteur, réalisateur et distributeur, organisateur de -festivals et administrateur culturel, Alfred Panou s’exclame depuis le Bénin, dans un long soliloque : « Je suis un sauvage, mais pas un esclave, cela ne va pas de soi. » En Nouvelle-Calédonie, Jean-Marie Tjibaou renchérit : « Nous sommes des hommes ayant une culture, et cette culture, il faut la montrer. Si on ne