Ubérisation : Les coursiers sont des salariés déguisés

La Cour de cassation a rendu un arrêt qui fera date.

Politis  • 5 décembre 2018
Partager :
Ubérisation : Les coursiers sont des salariés déguisés
© Julien Mattia / NurPhoto

La Cour de cassation a rendu le 28 novembre un arrêt qui fera date dans la bataille contre l’ubérisation du travail. Un livreur à vélo qui poursuivait la plateforme Take Eat Easy a été requalifié en salarié, au regard du « pouvoir de sanction » que la plateforme avait sur lui, preuve qu’il pédalait « sous l’autorité d’un employeur », selon la plus haute juridiction. Entretemps, l’application de livraison de repas a fait faillite, mais cet arbitrage fera jurisprudence, à un moment où les plateformes Internet tentent de se parer d’un cadre légal a minima pour ne pas devoir à leurs « partenaires » les droits attachés aux salariés (cotisation chômage, indemnité de licenciement, paiement des heures supplémentaires, congés payés, etc.). La majorité a tenté de créer une « charte de droits sociaux » pour les protéger du risque de requalification, mais l’amendement à la loi avenir professionnel a été retoqué par le Conseil constitutionnel, car considéré comme un cavalier législatif.

Les livreurs et chauffeurs rechignent souvent à engager des poursuites, préférant à court terme le statut d’indépendant, non protecteur, mais plus rémunérateur. C’est un accident qui a convaincu le jeune coursier autoentrepreneur de déposer plainte. Deliveroo et consorts font néanmoins l’objet de nombreuses plaintes pour salariat déguisé, pour lesquelles les prud’hommes se déclarent souvent incompétents, ce qui ne sera plus possible au regard de l’arrêt de la Cour de cassation. La survie du modèle est donc en question, d’autant plus que l’Inspection du travail et l’Urssaf ont de leur côté intenté des actions en justice contre les plateformes sur le même motif de salariat déguisé.

Travail
Temps de lecture : 1 minute
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Jeunes morts au travail : le secteur agricole en première ligne
Enquête 10 décembre 2025 abonné·es

Jeunes morts au travail : le secteur agricole en première ligne

Les jeunes travailleurs, stagiaires ou apprentis sont particulièrement à risque face aux accidents du travail dans le secteur agricole. Les chiffres de 2024, que Politis dévoile, en témoignent. Manque de formation adéquate, maniement d’engins inadapté à leur âge, inspection du travail détricotée : les explications structurelles sont nombreuses.
Par Pierre Jequier-Zalc
Mort de Matis : « On pleure tous les jours »
Récit 10 décembre 2025

Mort de Matis : « On pleure tous les jours »

Matis Dugast, intérimaire de 19 ans, est mort en juillet 2025 sur un chantier, en Vendée. Sa mère, Murielle, raconte sa perte et l’attente pour comprendre les raisons de sa mort.
Par Lucie Inland
Appel des intellectuels de 1995 : « Bourdieu a amendé notre texte, en lui donnant une grande notoriété »
Entretien 4 décembre 2025 abonné·es

Appel des intellectuels de 1995 : « Bourdieu a amendé notre texte, en lui donnant une grande notoriété »

L’historienne Michèle Riot-Sarcey a coécrit avec quatre autres chercheur·es la première version de l’Appel des intellectuels en soutien aux grévistes, alors que le mouvement social de fin 1995 battait son plein. L’historienne revient sur la genèse de ce texte, qui marqua un tournant dans le mouvement social en cours.
Par Olivier Doubre
L’Appel des intellectuels en soutien aux grévistes de 1995, tel que rédigé initialement
Histoire 4 décembre 2025

L’Appel des intellectuels en soutien aux grévistes de 1995, tel que rédigé initialement

Ce texte fut ensuite amendé par certains militants et grandes signatures, en premier lieu celle de Pierre Bourdieu. Mais les cinq rédacteurs de sa première version – qu’a retrouvée Michèle Riot-Sarcey et que nous publions grâce à ses bons soins – se voulaient d’abord une réponse aux soutiens au plan gouvernemental.
Par Olivier Doubre