Fipadoc : Anatomie de Cosa Nostra

Avec Corleone, le pouvoir par le sang et Corleone, la chute, diptyque présenté au Fipadoc, à Biarritz, Mosco Levi-Boucault brosse le tableau édifiant de la mafia sicilienne. Une fresque contemporaine époustouflante.

Jean-Claude Renard  • 25 janvier 2019
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Fipadoc : Anatomie de Cosa Nostra
© Photo : DR

Un parcours sanglant et glaçant. Un parcours entamé par un duel meurtrier avec un rival paysan, suivi d’une première condamnation, avant d’entrer et de s’imposer dans l’organisation criminelle, Cosa Nostra, emmenée par Luciano Liggio et Bernardo Provenzano, grimpant tous les échelons, un à un. Tels sont les premiers pas de Toto Riina (1930-2017), fil conducteur de cette histoire monumentale de la mafia sicilienne, née dans la ruralité de l’île, livrée en deux volets. Du village montagnard de Corleone, à quelques dizaines de kilomètres de Palerme (accessible au bout d’une longe route sinueuse et boueuse), à son procès, tête haute et regard obséquieux, du trafic de drogue aux différents meurtres orchestrés, des corruptions actives aux dévotions (les unes n’empêchant pas les autres), des assassinats spectaculaires de policiers et magistrats, jusqu’aux juges Borsellino et Falcone, à une cavale qui a duré vingt-quatre ans.

Mosco Levi-Boucault (Des terroristes à la retraite ; Mémoires d’Ex ; Berlusconi, affaire Mondadori ; Ils étaient les Brigades rouges) mêle images d’archives, photographies, coupures de presse et témoignages rarissimes de mafieux repentis, de compagnons de cellule, d’hommes de main et de confiance (filmés dans l’ombre ou masqués), au point de vue de l’avocat de Riina, aux analyses historiques et pédagogiques du commissaire de Palerme (Francesco Accordino) et de son procureur (Giuseppe Ayala). Analyses toujours percutantes, qui animent et dynamisent le film, comme les confessions les plus effrayantes des repentis.

Mais, surtout, l’intérêt de ce documentaire, sans revenir aux origines lointaines et troubles de Cosa Nostra, pour mieux se concentrer sur son histoire récente, est de ne pas se limiter à un itinéraire, à la trajectoire d’un homme, mais de rapporter aussi les mécanismes de cette mafia, son rôle d’ascenseur social, son administration (autrement baptisée « les coupoles »), ses enjeux politiques, économiques et son emprise psychologique. Jusqu’à la chute. Au moins, en apparence. Diptyque remarquable, fouillé, patient (il a fallu cinq années de travail et de recherches au cinéaste pour mener à bout ce documentaire), au diapason d’une œuvre unique dans le paysage du documentaire.

Corleone, le pouvoir par le sang (volet 1, 1h17), Corleone, la chute (volet 2, 1h08). Au Fipadoc, à Biarritz, ce samedi 25 janvier, à 16 heures (cinéma Gare du Midi), et prochainement sur Arte.

Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes
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