Macron renonce à sa promesse sur la sortie du glyphosate

En revenant sur son engagement de sortir du glyphosate à 100 % en 2021, le chef de l’État enclenche encore un peu plus la marche arrière.

Vanina Delmas  • 25 janvier 2019
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Macron renonce à sa promesse sur la sortie du glyphosate
© photo : PABLO AHARONIAN / AFP

Emmanuel Macron a voulu jouer la carte de la transparence sur la question du glyphosate, lors de son opération de communication « invité surprise » au débat citoyen à Bourg-de-Péage, fief de son ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume.

« Est-ce qu’on peut dire qu’il n’y aura plus du tout de glyphosate dans trois ans ? Impossible. Je ne vais pas vous mentir, ce n’est pas vrai. Pourquoi ? Parce que si je le fais, je tue complètement certaines filières [agricoles]. » Puis : « Je sais qu’il y en a qui voudraient qu’on interdise tout du jour au lendemain mais c’est infaisable, ça tuerait notre agriculture. »

L’association Générations futures a immédiatement réagi :

Après le refus de l’inscription dans la loi, cette déclaration sonne comme un renoncement à un réel objectif de sortie du glyphosate qui n’est pas acceptable. Comment dire aujourd’hui que cet objectif ne sera pas réalisable dans trois ans alors même que l’Inra reconnait que des solutions existent déjà pour au moins 90 % des situations ?

Ce matin, Didier Guillaume, le ministre de l’Agriculture, a tenté de relativiser les propos sur France 2 à propos de cet herbicide très controversé : « Si 80 % de l’agriculture française se fait sans glyphosate au 1er janvier 2021, ce sera un immense pas en avant. »

En façade, l’objectif de sortie du glyphosate n’est pas remis en cause et la condition entendable « d’accompagner les agriculteurs » perdure. Mais les moyens ne semblent pas suivre. L’exemple le plus frappant est l’absence d’inscription de l’interdiction de l’herbicide controversé dans la loi sur l’agriculture et l’alimentation en septembre dernier.

Pourtant, depuis le début du quinquennat, les affirmations présidentielles et ministérielles sur le sujet étaient plus radicales. Emmanuel Macron sur Twitter le 27 novembre 2017 : « J’ai demandé au gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour que l’utilisation du glyphosate soit interdite en France dès que des alternatives auront été trouvées et au plus tard dans trois ans #MakeOurPlanetGreatAgain »

En mai 2018, au lendemain du passage du projet de loi sur l’agriculture et l’alimentation en première lecture à l’Assemblée nationale, le président assurait qu’il prendrait ses responsabilités « si le monde agricole n’est pas au rendez-vous dans trois ans », en passant par la loi.

La semaine dernière, dans l’émission « Envoyé spécial » consacré à la question du glyphosate, François de Rugy, ministre de la Transition écologique et solidaire, était catégorique : « En 2021, nous en aurons fini avec le glyphosate en France. C’est l’engagement de tout le gouvernement », ajoutant, là encore, qu’en cas de désaccord des filières agricoles, ils auront recours à « une loi-couperet ».

Dans sa démonstration orale dans la Drôme (département pionnier sur l’agriculture biologique), Emmanuel Macron n’a pas manqué de rappeler le manque d’expertises indépendantes sur la dangerosité du glyphosate, et donc du Roundup, et sur le besoin d’alternatives en faisant attention à ce que « l’alternative chimique ne soit pas pire que le Roundup ».

« Gageons que d’ici 2020, Emmanuel Macron aura encore l’occasion de clarifier son propos ; comprenez : amender, reculer, préserver les intérêts des lobbies qui restent à la manœuvre. Le message est reçu cinq sur cinq par les lobbies qui n’auront qu’une chose à faire : démontrer l’impossibilité de se passer du glyphosate pour obtenir des exemptions à la future interdiction. Le message implicite adressé par le chef de l’État est donc que la transition agricole est optionnelle, conditionnée au bon vouloir des lobbies de l’agrochimie », décrypte Stéphen Kerckhove, délégué général d’Agir pour l’environnement.

Le site « Glyphosate : objectif 2020 » était annoncé comme un outil phare pour aiguiller les agriculteurs vers les bonnes pratiques, et montrer leur bonne volonté. Deux mois après son lancement, le compteur semble bloqué : 11 agriculteurs ont déclaré être sortis du glyphosate… et deux autres s’y sont engagés. À ce rythme, les mois passeront, les années défileront, 2021 arrivera, et le glyphosate sera toujours là.

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