Nous, femmes offensées…

Richard Brunel adapte l’épopée de jeunes Japonaises émigrées aux États-Unis avant 1940.

Gilles Costaz  • 29 janvier 2019 abonné·es
Nous, femmes offensées…
© photo : Jean-Louis Fernandez

Sans le livre de Julie Otsuka, Certaines n’avaient jamais vu la mer, paru aux États-Unis en 2011 et prix Fémina étranger en France en 2012, on n’aurait guère connu cette terrible injure infligée à des femmes japonaises entre les années 1920 et 1940. Ce n’est pas Madame Butterfly (on sait que l’opéra de Puccini conte l’offense faite à une geisha par un officier américain). C’est bien pire. Des centaines de Japonaises ont été envoyées en Californie pour servir de compagnes à des compatriotes employés aux États-Unis après la guerre de 1914-1918. Elles rêvaient de mariage, c’est plutôt le viol et la soumission sexuelle qui les attendaient.

Toutefois, avec le temps, une certaine harmonie s’est mise en place. Ces Japonaises ont rendu de grands services à la communauté yankee. Elles étaient intégrées et mères de nombreux enfants quand le gouvernement de Washington décida, après l’attaque de Pearl Harbor, que tout ce qui avait une connotation japonaise devait être réprimé et chassé. La police vint embarquer ces femmes et leurs enfants pour les placer dans des camps de concentration, généralement au Nevada. Après une première oppression, elles connaissaient une déportation qui détruisait leur vie.

Richard Brunel a su tirer de ce gros livre un spectacle d’une remarquable vérité humaine. Natalie Dessay y joue en fin de pièce, et très bien, une Américaine découvrant le départ de la communauté et l’absence insupportable créée en cette contrée. Les autres interprètes (Chloé Réjon, Linh-Dan Pham…) sont très mobiles dans une mise en scène où le plateau change constamment de lieu puis de temps. On y emploie beaucoup le « nous », et ce terme collectif touche ici comme rarement. Créé au Festival d’Avignon, ce spectacle de la Comédie de Valence est représenté encore quelques semaines avant une plus importante tournée l’an prochain.

Certaines n’avaient jamais vu la mer, Comédie de Valence, 04 75 78 41 70, jusqu’au 2 février. Reprise au théâtre Dijon-Bourgogne du 13 au 15 mars. Texte traduit par Carine Chichereau, éditions Phébus.

Théâtre
Temps de lecture : 2 minutes