Un sursis pour « L’Humanité » ?

Vendredi 25 janvier, L’Humanité a été placé sous la protection du tribunal de commerce de Bobigny.

Jean-Claude Renard  • 30 janvier 2019 abonné·es
Un sursis pour « L’Humanité » ?
© photo : Martin BUREAU/AFP

Fallait-il s’y attendre ? Sans doute. Vendredi 25 janvier, L’Humanité a été placé sous la protection du tribunal de commerce de Bobigny. En cessation de paiement, le quotidien fondé par Jean Jaurès il y a 115 ans voit ses quelque deux cents salariés (dont un peu plus de la moitié sont des journalistes) payés désormais via le régime de garantie des salaires (AGS). Une audience était prévue mercredi 30 janvier, à l’issue de laquelle le titre devait être fixé sur son sort.

La direction a présenté un plan de continuation, espérant un redressement judiciaire qui lui permettrait de poursuivre ses activités. En cas de refus, le journal pourrait être liquidé. Personne n’ose imaginer une telle décision, qui entacherait gravement le pluralisme de la presse ; personne n’ose imaginer non plus la disparition d’un titre historique.

Ce n’est pas la première fois que L’Humanité traverse une zone de turbulences. Comme beaucoup d’autres titres, le journal connaît une baisse importante de ses recettes publicitaires et de ses ventes, avec moins de 33 000 exemplaires vendus (– 6,24 % sur un an), tandis que son prix a augmenté de 20 centimes en janvier.

En décembre dernier, Patrick ­Le ­Hyaric, directeur du quotidien, avait donné l’alarme, annonçant qu’il lançait une souscription auprès des lecteurs, s’adressant également aux mondes de la culture et de l’économie ainsi qu’aux élus. « Nos besoins de trésorerie, confiait-il, avoisinent trois millions d’euros d’ici à la mi-février pour faire face aux échéances. » Les dons récoltés s’élèvent aujourd’hui à 1 million d’euros.

La mobilisation s’organise pour protéger le journal du pire. Sera-t-elle suffisante, quand la crise de Presstalis accentue les naufrages, quand la distribution fait défaut et que les kiosques ferment (acheter le journal, certes, encore faut-il le trouver) ?

Pour Patrick Le Hyaric, signant un nouvel appel lundi 28 janvier, il y a là aussi « un enjeu de souveraineté pour le pays au moment où plusieurs journaux nationaux viennent d’être rachetés ou recapitalisés par des groupes industriels et financiers étrangers qui lorgnent des activités productives de la France ».

On songe notamment au milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, acquéreur de titres de Lagardère, de Marianne, et entré dans le capital du Monde. Les difficultés de L’Huma, dont le capital est majoritairement détenu par la société des Amis de L’Humanité, mettent ainsi en avant toute la question de l’indépendance de la presse. Outre la souscription en cours, un meeting de soutien est prévu le 22 février à Montreuil, à la halle Marcel-Dufriche.

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