La jeunesse n’est pas un LOL

Que vient nous dire cette Ligue au nom ridicule – ridicule comme un LOL – qui agite des journalistes ?

Pouria Amirshahi  • 20 février 2019
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La jeunesse n’est pas un LOL
© crédit photo : FRANK MAY / picture alliance / dpa Picture-Alliance / AFP

D’abord, l’effet de surprise – tant de gens de ce petit monde des médias et de la communication en parlèrent soudainement – a failli se transformer en indifférence. Que vient nous dire cette Ligue au nom ridicule – ridicule comme un LOL – qui agite des journalistes, si ce n’est qu’ils vivent dans leur bulle et nous en parlent ? Puis, à l’écoute, est venu le dégoût : des jeunes – presque tous des mâles – sadiques et contents de leurs méchancetés. Enfin l’empathie, avec ces victimes, surtout des femmes, humiliées en public et traumatisées ensuite dans tous les actes de leur vie professionnelle et personnelle. Se retenant d’être soi-même car terrifiées à l’idée d’être jugées, moquées. 

On connaît désormais la suite : pendant qu’elles se tordaient le bide de honte, eux se tordaient de rire, et gravissaient tranquillement les marches de leur carrière. La journaliste Nassira El Moaddem avait déjà dénoncé, il y a plus d’un an, les agressions de bizutage permanent dont elle avait été victime dans son école de journalisme (1). Moquée en permanence par quelques jeunes camarades – et qui ont réussi brillamment par la suite, que voulez-vous –, elle n’eut ni protection ni soutien de la part de la direction de son école. D’autres collègues de la profession ont parlé depuis (2), moqués parce grosse, parce juif, parce qu’arabe, parce qu’homo…

Bien élevés, les bourreaux se sont excusés, parfois contrits jusqu’à la flagellation. Le début du pardon… Mais, au fond, même désormais licenciés par leur employeur et pardonnés par leurs victimes, ont-ils vraiment fait un chemin ? Personne ici ne souhaite de châtiment à vie à personne, mais on peut se demander s’il n’est pas un peu facile de solder ses turpitudes sur le seul compte de la jeunesse. Car, ce faisant, on culpabilise habilement tout le monde, puisque tout le monde a été jeune. Plutôt qu’entamer un travail sur soi, et comprendre que cette soif d’écraser pour réussir est en soi-même… On s’auto-absout, en somme. Au mieux, la faute est reconnue, mais seulement individuelle. Quid des écoles de journalisme ? Des rédactions ? Des entreprises ? Pour rappel : même les écoles dites « grandes » et les facs de médecine ont un programme contre la culture du bizutage…

(1) Journaliste, elle a relaté ce moment de sa vie dans plusieurs tweets et dans quelques articles de presse.

(2) Libération du 12 février.

Edito Pouria Amirshahi
Temps de lecture : 2 minutes
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