Alessandro Stella, l’histoire comme plaie ouverte
Cet ex-militant de la lutte armée en Italie est réfugié depuis trente-sept ans en France, où il a reconstruit sa vie comme historien et anthropologue. Non menacé lui-même, il s’afflige de l’acharnement contre ses anciens camarades.
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Certaines histoires restent figées, comme gravées dans le marbre. D’autres demeurent brûlantes et en mouvement, tel du magma. « Les années de plomb », ou « mai rampant », ont ces airs de volcan qui n’aurait jamais trouvé le sommeil. Alessandro Stella voulait en parler au passé lors d’un colloque organisé le 17 janvier à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) à Paris. L’actualité a contraint l’enseignant d’ouvrir le séminaire au présent. Trois jours plus tôt, la Bolivie avait extradé Cesare Battisti vers l’Italie. La fin d’une cavale de 37 années et le début d’une incarcération à vie, à 64 ans. À son atterrissage à Rome, où le ministre de l’Intérieur, Matteo Salvini, l’attendait, le militant d’extrême gauche avait esquissé un sourire. En contrebas de l’amphithéâtre de son école, Alessandro Stella, lui, arborait une mine grave. Comme Battisti, il a connu la lutte armée, la clandestinité, puis le renoncement à la violence.
Dans la cuisine de sa maison à Montreuil, en proche banlieue parisienne, le sexagénaire au nez aquilin pose une cafetière sur le feu. « J’ai continué avec d’autres armes, celles de la critique. Et j’en ai fait mon métier », souligne de son accent italien le désormais directeur de recherche au CNRS. Sur une table, son livre frappé d’un titre aux lettres rouges : Années de rêves et de plomb. Ce récit autobiographique, il le fait commencer à Thiene, dans le nord-est de l’Italie, là où la vie de ses compagni (1) s’est tragiquement terminée. « Il était presque 17 heures, ce maudit 11 avril