Financer la transition écologique

Une politique qui cherche à concilier le social et l’écologie exige une création monétaire.

Jean-Marie Harribey  • 20 mars 2019 abonné·es
Financer la transition écologique
© crédit photo : CARSTEN REHDER / DPA / DPA PICTURE-ALLIANCE

Entre la prise de conscience du changement climatique, de l’épuisement de la biodiversité et des ressources, et la mise en œuvre de politiques novatrices, il reste un gouffre. Une question perturbe les experts : comment financer les investissements pour changer les systèmes énergétiques, les modèles productifs industriel et agricole, les infrastructures de transport, l’habitat, etc., c’est-à-dire où trouver près d’une centaine de milliards d’euros par an pendant plusieurs décennies en France, et au moins 500 à 600 milliards par an dans l’Union européenne ? Les réponses partent dans tous les sens, mais pas toujours les bons.

Première piste : ne plus subventionner les énergies fossiles (7,8 milliards en France en 2017, 112 dans l’UE, plus de 500 dans le monde). Cela fournit la base d’un réaiguillage progressif vers les énergies renouvelables, mais ne procure pas d’argent supplémentaire. Les difficultés de la taxe carbone ont été rappelées par le mouvement des gilets jaunes : elle doit servir à compenser l’augmentation des coûts pour les populations pauvres, alors que le kérosène des avions n’est soumis ni au taux normal de la TVA ni à la taxe sur les produits énergétiques. Elle vise à dissuader les consommations polluantes, à condition que d’autres modes de déplacement soient possibles. Ceux-ci supposent des investissements dont l’ampleur dépasse les compensations nécessaires.

D’aucuns imaginent pouvoir miser sur une taxation des transactions financières. Mais c’est un leurre car, si elle était efficace, elle freinerait la circulation des capitaux et la spéculation, et donc saperait à terme son assiette. Là encore, une fiscalité à vocation dissuasive ne peut fournir une source pérenne de financement. Les grandes banques émettent désormais un nouveau type d’obligations dites vertes pour couvrir les nouveaux besoins et les risques : un marché mondial se développe rapidement, qui atteignait déjà plus de 100 milliards en 2017. La transition écologique peut-elle être confiée à une finance d’autant moins verte que la titrisation de ces obligations deviendra monnaie courante ?

Orienter l’épargne populaire vers des activités de transition est une bonne idée, mais on n’échappera pas à cette règle : toute amélioration économique, surtout qualitative si elle cherche à concilier le social et l’écologie, exige à l’échelle macroéconomique une création monétaire, l’épargne n’étant qu’une conséquence de l’investissement (1). Trois moyens doivent alors être réunis : 1) un système bancaire public contrôlé afin qu’il n’accorde que des crédits pour des investissements soutenables ; 2) le refinancement des banques auprès de la banque centrale, conditionné par la présentation de titres de créances qui répondent aux critères de soutenabilité sociale et écologique ; 3) la possibilité pour le Trésor public de faire appel au financement direct des investissements publics par la banque centrale nationale, car ils sont prometteurs d’une future richesse et n’ont pas à être comptés dans le déficit public courant. Sans cela, l’économie verte ne serait que le faux nez du capitalisme.

(1) Voir ici.

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

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