Algérie : La rue fait vaciller le « système »

Abdelaziz Bouteflika a annoncé qu’il démissionnerait d’ici au 28 avril, mais ça ne suffira pas.

Gilles Wullus  • 3 avril 2019
Partager :
Algérie : La rue fait vaciller le « système »
© photo : À Alger, le 22 mars.crédit : RYAD KRAMDI/AFP

Ça ne suffira pas. Abdelaziz Bouteflika a peut-être annoncé qu’il démissionnerait d’ici au 28 avril (qui n’est après tout que la fin officielle de son quatrième mandat), les foules qui envahissent par millions les rues d’Algérie depuis six semaines n’y voient là qu’une énième manœuvre du « système » pour garder la main. Car cette démission, annoncée par communiqué puisque le président reste claquemuré dans sa résidence médicalisée de Zeralda, va entraîner une élection présidentielle dans les trois mois qui suivent. Pilotée par qui ? Le président par intérim sera un cacique du régime, et le nouveau gouvernement nommé le 31 mars est une copie technocratique du précédent… L’armée ? C’est bien le lâchage de Bouteflika par son chef d’état-major qui a précipité ce retrait. Le général Salah avait suggéré que le président soit déclaré inapte, mais ce dernier a préféré la démission, moins humiliante. Preuve que le bras de fer se joue en coulisses entre le clan Bouteflika et la hiérarchie militaire, pour préserver leurs parts du gâteau d’hydrocarbures (le seul qui reste à partager, représentant presque 100 % des exportations). Est-ce pour offrir des boucs émissaires à la rue que les « oligarques » ont été interdits de sortir du territoire, l’un deux, Ali Haddad, ayant même été arrêté à la frontière tunisienne ?

Cependant, le jeu d’ombres est précisément ce que rejettent les manifestants depuis le 22 février. Ce qu’ils réclament avec force, à l’instar d’Omar Benderra (lire ici), c’est un processus démocratique large et ouvert, qui puisse élaborer un nouvel avenir, et notamment une nouvelle constitution. Choisir un nouveau président, surtout si les élections sont organisées dans l’opacité, voire la magouille, n’est pas leur priorité. Pour l’instant, c’est la rue qui garde la main.

Monde
Temps de lecture : 2 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Extrême droite allemande : « Comme souvent, la colère retombe, on s’habitue »
Entretien 1 décembre 2025 abonné·es

Extrême droite allemande : « Comme souvent, la colère retombe, on s’habitue »

Alors que l’AfD vient de refonder son organisation de jeunesse à Gießen, plusieurs dizaines de milliers de personnes ont bloqué la ville pour tenter d’empêcher la tenue du rassemblement. Pour la germaniste et historienne Valérie Dubslaff, cette séquence s’inscrit dans la continuité des grandes mobilisations de 2024.
Par Maxime Sirvins
En Allemagne, une mobilisation massive contre l’extrême droite
Reportage 1 décembre 2025

En Allemagne, une mobilisation massive contre l’extrême droite

Près de 50 000 personnes venue de tout le pays se sont rassemblées ce week-end à Gießen pour empêcher le parti d’extrême droite Alternative für Deutschland (AfD) de reformer sa faction jeune, auto-dissoute huit mois plus tôt.
Par Camille Tribout
À Valence, l’extrême droite Vox surfe sur les inondations
Monde 28 novembre 2025 abonné·es

À Valence, l’extrême droite Vox surfe sur les inondations

Un an après la crue meurtrière d’octobre 2024, les habitants de Paiporta sont amers de la gestion de la tragédie par les autorités qui a dévasté la ville. Le parti d’extrême droite Vox a su tirer parti de ce désarroi.
Par Pablo Castaño
En Guyane, le mastodonte logistique de l’orpaillage illégal
Reportage 26 novembre 2025

En Guyane, le mastodonte logistique de l’orpaillage illégal

Près de 80 % des activités liées à l’extraction illicite de l’or en Guyane se concentrent sur le Haut-Maroni. Depuis la rive surinamienne, les garimpeiros – orpailleurs clandestins – ont édifié un système bien huilé pour exploiter le sol français.
Par Tristan Dereuddre