D’un côté ou de l’autre

Ces élections européennes vont nous permettre enfin de vérifier si vraiment il était de bonne stratégie de remiser la gauche internationaliste au magasin des accessoires périmés, et de la remplacer par un populisme cocardier.

Sébastien Fontenelle  • 17 avril 2019 abonné·es
D’un côté ou de l’autre
© crédit photo : THOMAS SAMSON / AFP

Il y a ce parti politique, réputé progressiste, dont je tairai ici le nom mais que tu reconnaîtras sans peine si je te dis que d’aucuns, parmi ses plus éminents représentants, lorsqu’ils ne sont pas occupés à psalmodier le nom de Chantal Mouffe, peuvent éventuellement se montrer un peu véhéments, et certaines fois même un peu venimeux, quand on formule des opinions trop différentes des leurs.

Il y a un peu plus d’un an, par exemple, j’avais écrit ici même que leur choix de remplacer, dans leurs meetings, les drapeaux rouges et L’Internationale par des drapeaux français et La Marseillaise me laissait, disons, dubitatif, et ça les avait pas mal énervés (1).

Pourquoi je te reparle de ces gens-là ? Parce que, tout récemment, un député de cette même formation, passant encore une nouvelle digue, a déclaré qu’il ne voulait « plus s’enfermer dans le mot “gauche” », devenu selon lui « un repoussoir ». Puis d’ajouter que « rassembler la gauche » n’avait « plus de sens », car « des millions de gens ne se positionnent pas d’un côté ou de l’autre ». Puis de conclure : « Il faut trouver un vocabulaire nouveau, un message différent. »

Et, certes, cet élu n’est pas le premier à propager ainsi « l’idée que la distinction gauche-droite » serait « dépassée » : c’est ce que vient de rappeler dans un épatant billet (2) l’ancien rédacteur en chef de La Marseillaise, Christian Digne – qui précise, pour conclure sa démonstration, que « l’expérience » lui « a enseigné que tous ceux qui rejettent cette frontière bâtisseuse du débat démocratique étaient, sont et seront de droite ».

Mais la déclaration de ce parlementaire a ceci de particulier qu’elle est faite à quelques semaines d’un important scrutin, que j’attends pour ma part avec beaucoup d’impatience – car ces élections européennes vont nous permettre enfin de vérifier, dans les scores des un·e·s et des autres, si vraiment il était de bonne stratégie de remiser la gauche internationaliste au magasin des accessoires périmés, et de la remplacer par un populisme cocardier (3). Ou si, une fois encore, il se vérifiera que la droite est toujours – toujours – seule à profiter des renoncements de la gauche.


(1) L’un d’eux, particulièrement exalté, avait alors (très sérieusement) expliqué sur Twitter, que j’étais, petit un, « proche […] des néoréacs atlantistes » et, petit deux, un « allié objectif du capital ». (Depuis, le gars s’est fait sortir du parti en question, où l’on a semble-t-il fini par se lasser de ses saillies – et j’ai trouvé ça un peu triste, parce que je trouvais ça bien qu’il ait quand même fait l’effort de ne traiter personne de hyène trotskiste. Mais, fort heureusement, il n’a pas été lâché par tout le monde et dispose toujours d’un rond de serviette au Figaro.)

(2) Consultable – d’urgence – ici.

(3) En insultant au passage celles et ceux que ces calculs effraient.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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