Génocide tutsi : l’armée française verrouille

Accusée d’avoir outrancièrement soutenu un régime raciste, matrice des génocidaires, et d’avoir protégé leur fuite par l’opération Turquoise, la France officielle reste réticente à regarder son passé en face.

Politis  • 10 avril 2019
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Génocide tutsi : l’armée française verrouille
crédit photo : YASUYOSHI CHIBA / AFP

E u égard à votre manque de loyalisme envers la France et ses institutions, il ne m’apparaît pas opportun de vous accorder la faveur d’une naturalisation. » Le 7 avril, le Rwandais Alain Ngirinshuti a révélé aux 300 personnes qui assistaient aux commémorations parisiennes du 25e anniversaire du génocide la lettre de 2017 lui refusant la nationalité française. Rescapé des miliciens racistes qui ont massacré près d’un million de Tutsis en 1994, Alain Ngirinshuti est vice-président d’Ibuka, l’organisation qui fédère les associations des victimes. « Peut-on considérer les victimes d’un génocide comme des ennemis de la République ? », a-t-il commenté…

Accusée d’avoir outrancièrement soutenu un régime raciste, matrice des génocidaires, et d’avoir protégé leur fuite par l’opération Turquoise, décidée par Mitterrand et Balladur, la France officielle reste décidément réticente à regarder son passé en face. Malgré un récent réchauffement des relations diplomatiques rwando-françaises, le refus d’Emmanuel Macron d’assister aux cérémonies à Kigali en était un signe. Un autre a été l’exclusion de Stéphane Audoin-Rouzeau et d’Hélène Dumas de la commission d’historiens chargée d’examiner les archives de l’État pour faire la lumière sur le rôle de la France, et surtout de son armée, entre 1990 et 1994. Pourquoi l’Élysée décide-t-il – enfin ! – de créer cette commission, et « en même temps » d’en exclure les deux meilleurs spécialistes français de l’histoire rwandaise ? C’est pourtant en s’adressant directement au président, lors des commémorations du centenaire de novembre 1918, qu’Audoin-Rouzeau avait convaincu Macron d’agir. Mais, selon Le Monde, les deux experts ont été récusés « en raison de propos hostiles à l’armée française ». Une pétition d’universitaires en soutien des deux exclus a immédiatement récolté plus de 280 signatures…

Les échos
Temps de lecture : 2 minutes
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