La France continue d’expulser des migrants vers Khartoum

Des associations de soutien aux migrants à Ouistreham lancent un appel contre l’expulsion d’un jeune Soudanais vers Khartoum.

Romain Haillard  • 25 avril 2019
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La France continue d’expulser des migrants vers Khartoum
© crédit photo : Romain Haillard

Le Soudan, un pays sûr ? La France continue d’expulser des Soudanais vers Khartoum. Amjad, originaire du Darfour, va être reconduit vers son pays natal. Selon le Collectif d’aide aux migrants de Ouistreham (Camo), le jeune homme de 19 ans avait été interpellé le 20 mars dernier, à la suite d’un contrôle inopiné des gendarmes. Le préfet a signifié à l’exilé une obligation de quitter le territoire français (OQTF) avant d’être enfermé au centre de rétention administrative (CRA) de Oissel (Seine-Maritime). Les associatifs s’indignent de son arrestation, alors que le migrant visé n’aurait commis aucun délit pour la justifier.

Mais à Ouistreham, les forces de l’ordre n’ont plus besoin de se justifier. Depuis l’adoption d’un arrêté ministériel du 28 décembre 2018, les contrôles arbitraires ont été autorisés dans un rayon de 5 kilomètres autour des ports de onze villes côtières. Les gendarmes peuvent demander les papiers de n’importe qui, n’importe quand, sans l’autorisation préalable habituelle du parquet.

Contrôler pour expulser

Instigateur de ce texte, Christophe Blanchet, député LREM du Calvados, expliquait son utilité aux journalistes de France 3 Normandie : « C’est avant tout pour avoir le droit de leur demander leurs papiers et de les conduire vers des centres d’hébergements. Jusque-là nos forces de l’ordre ne pouvaient que rester des heures non loin d’eux, à les observer sans pouvoir intervenir. » Les membres du Camo, eux, craignaient une utilisation davantage répressive, pour les éloigner des côtes ou pire, les expulser du territoire. Une crainte confirmée.

Pendant sa retenue au CRA de Oissel, Amjad avait déposé une demande d’asile. Devant l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), le jeune homme a déclaré avoir été arrêté, torturé et avoir fait l’objet de menaces au Soudan. L’institution chargée de l’application de la convention de Genève a refusé sa demande de protection, faute de preuves suffisantes. Accompagné juridiquement par la Cimade, le débouté du droit d’asile a formulé un recours devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). Cependant, depuis l’adoption de la loi asile et immigration en 2018, les recours suspensifs sont plus facilement révocables et ne protègent plus d’une expulsion, selon la Cimade.

Une vingtaine de Soudanais menacés d’expulsion

L’expulsion était prévue ce jeudi, mais Amjad a refusé de quitterquitter le CRA. « Dans la pratique, il peut refuser le premier vol. Mais pour le prochain, il aura une escorte policière et devra se plier aux ordres », explique Bénédicte Vacquerel, déléguée nationale de la Cimade. Pour l’instant, ses soutiens n’ont aucune idée de la date du prochain avion en partance vers Khartoum. « Ça ne sera sans doute pas demain, ni après-demain, mais ça peut aller vite… Et nous ne serons pas mis au courant », s’inquiète l’associative.

Le Camo et la Cimade préparent une pétition pour alerter les autorités sur la situation d’Amjad, et bien d’autres. Selon un recensement des collectifs parisiens et calaisiens, La Chapelle debout et la Cabane juridique, plus d’une vingtaine de Soudanais seraient exposés à une expulsion imminente. Si le régime du dictateur Omar el-Béchir a vacillé, la situation au Soudan ne permet pas de garantir la sécurité des rapatriés de force.

À lire aussi >> Au Soudan, les crimes de guerre n’empêchent pas le business…

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