Le Brexit réveille les démons nord-irlandais
Vingt et un ans après les accords de paix, la nouvelle génération n’imagine pas un retour de la frontière divisant l’île, mais reste influencée malgré elle par les divisions communautaires du passé.
dans l’hebdo N° 1548 Acheter ce numéro

Doire Finn était trop jeune pour se souvenir des « Troubles », cette guerre civile qui a opposé de 1969 à 1998 catholiques nationalistes, défenseurs de la réunification irlandaise et protestants unionistes, loyaux à la couronne britannique. Elle a 24 ans, a grandi à Newry, ville moyenne d’Irlande du Nord, à quinze minutes en voiture de la frontière avec la République d’Irlande. Pour elle, se rendre dans le Sud n’a jamais été compliqué. « Je ne remarque la frontière que par les panneaux de signalisation indiquant le changement de miles en kilomètres », explique la jeune femme aux cheveux châtains, dont le regard est accentué par deux épais traits noirs d’eye-liner.
Cette diplômée en études politiques et européennes, originaire d’une famille catholique de classe moyenne, fait partie de la « génération cessez-le-feu », qui n’a pas entendu le vacarme des hélicoptères de l’armée britannique au-dessus de chez elle ni ressenti l’angoisse du risque de se faire tuer à chaque coin de rue à cause de son appartenance identitaire.
Grâce à l’accord de paix du Vendredi saint (10 avril 1998), Doire peut choisir d’être irlandaise, britannique ou les deux. Son prénom ne laisse pas de place au doute, mais la jeune femme se sent aussi européenne. Avant tout, elle « aspire à un avenir meilleur pour l’Irlande du Nord ». Le 23 juin 2016, elle a voté pour rester au sein de l’Union européenne, comme 56 % de la population locale, et fait depuis du lobbying pour la tenue d’un second