Marie-Hélène Bourlard en rouge et Nord

Propulsée dans la lumière par le film Merci Patron !, de François Ruffin, l’ancienne syndicaliste CGT est numéro 2 de la liste du PCF pour les européennes. Aussi au nom des gilets jaunes.

Agathe Mercante  • 3 avril 2019 abonné·es
Marie-Hélène Bourlard en rouge et Nord
© crédit photo : FRANCOIS LO PRESTI/AFP

Le PCF le martèle : si elle est élue, elle sera la première ouvrière française à faire son entrée au Parlement européen. Un défi de taille pour Marie-Hélène Bourlard, retraitée du textile et numéro 2 de la liste pour les européennes de mai. Novice en politique, elle n’en est pourtant pas à son coup d’essai en matière de luttes sociales. Révélée au public par le film de François Ruffin Merci patron !, elle est depuis 42 ans déléguée syndicale à la CGT. Tête de proue de la lutte contre les délocalisations, elle est une figure populaire dans les Hauts-de-France.

Née en 1957 au Quesnoy (Nord), Marie-Hélène Bourlard est une enfant bagarreuse mais bonne élève. « J’ai le certificat d’études », précise-t-elle. Elle quitte l’école à contrecœur à 16 ans, à la suite du décès de son père, ouvrier dans la métallurgie, et entre, elle aussi, à l’usine. Premiers pas dans le monde du travail, mais aussi premiers combats. La jeune femme, que rien ne prédestinait à une vocation syndicale – « on ne parlait pas de politique à la maison » –, attrape le virus dès le départ. « La semaine où je suis arrivée, il y avait une grève à cause de la chaleur. Les filles demandaient des climatiseurs, des ventilateurs… eh bien j’ai fait grève aussi ! »

À l’usine Bidermann, qui produisait des costumes Pierre Cardin, Marie-Hélène Bourlard est presseuse. De cette époque elle garde un souvenir joyeux : « Il y avait beaucoup de camaraderie. » Jusqu’aux années 1980 et la vague de délocalisations qui désertifie la région : « Les usines fermaient les unes après les autres. » La déléguée syndicale et militante communiste – « les seuls qu’on voyait à la sortie de l’usine » – monte au front. Alors, lorsque LVMH veut délocaliser l’usine Ecce de Poix-du-Nord et mettre sur le carreau 147 ouvriers, elle mène le combat et s’offre même une action LVMH pour interpeller Bernard Arnault à l’assemblée des actionnaires. « On dérange ! On dérange parce qu’il y a 147 chômeurs dehors ! » harangue-t-elle, le 10 mai 2007.

Sur le terrain aussi la syndicaliste use de toutes les méthodes possibles pour faire plier les patrons. Mais ça ne suffit pas : en 2009, l’usine ferme définitivement et Marie-Hélène Bourlard devient ambulancière. Si elle garde un souvenir amer de Bernard Arnault – « Je lui en veux à mort » –, elle chérit le souvenir de sa rencontre avec François Ruffin, alors journaliste pour l’émission « Là-bas si j’y suis ». « En 2005, il était venu pour interroger les filles [de l’usine] sur le référendum européen. J’étais un peu gênée parce qu’elles lui ont dit : “Marie-Hélène nous a dit de voter contre, donc on a voté contre” » se souvient-elle, n’assumant pas tout à fait son rôle de leadeuse d’opinion.

Le PCF, lui, ne s’y est pas trompé, propulsant la militante deuxième sur la liste menée par Ian Brossat. « J’ai dit oui parce que je pensais que je ne serais pas à une position éligible, et puis bon… » Depuis, elle multiplie meetings, rendez-vous avec les corps intermédiaires, tractages sur les marchés, porte-à-porte. Proche des gilets jaunes de sa région – « ils m’ont très bien accueillie » –, elle espère porter leur message au Parlement européen. Son franc-parler mâtiné d’accent du Nord détonnera à Strasbourg et à Bruxelles. Car Marie-Hélène Bourlard ne parle pas la langue de bois, pas plus qu’elle n’est à l’aise sur les plateaux pour porter son combat. « Elle ne maîtrise pas le jargon politique et pourrait connaître des difficultés », concède René Fleurie, de la fédération PCF du Nord. « Le Parlement européen doit sortir de son registre technocratique, c’est là tout l’intérêt d’un député communiste », défend Marie-Pierre Vieu, eurodéputée sortante et numéro 4 sur la liste. En septembre, elle a invité Marie-Hélène Bourlard à Bruxelles : « Elle était intimidée, mais très volontaire. »

« J’étais déjà venue devant, mais je n’étais jamais entrée dans le Parlement », explique la candidate. La syndicaliste reste mal à l’aise avec les institutions européennes – et bafouille d’ailleurs lorsqu’il s’agit de parler de la GUE (Gauche unitaire européenne), le groupe parlementaire où siègent les communistes. Des lacunes qui n’inquiètent pas la direction du parti : à leurs yeux, elle incarne avant tout un renouveau politique. « Elle sera entourée, ils s’appuieront autant sur elle qu’elle sur eux », veut croire Nacim Bardi, un de ses colistiers. Mais encore faut-il que les communistes accèdent au Parlement : crédités (au mieux) de 3 % dans les sondages, il leur faut dépasser les 5 % pour gagner ce pari.

Politique
Temps de lecture : 4 minutes

Pour aller plus loin…

« Pour battre l’extrême droite, le réalisme, c’est encore et toujours se battre pour l’union »
La Midinale 25 juin 2025

« Pour battre l’extrême droite, le réalisme, c’est encore et toujours se battre pour l’union »

Alexis Corbière, député de Seine-Saint-Denis, cofondateur de l’Après qui tenait son congrès constituant ce week-end, est l’invité de « La Midinale ».
Par Pablo Pillaud-Vivien
Immigration, wokisme, dépenses publiques… Les obsessions de l’extrême droite au Sommet des libertés
Reportage 25 juin 2025

Immigration, wokisme, dépenses publiques… Les obsessions de l’extrême droite au Sommet des libertés

Mardi 24 juin, dans une ambiance de meeting politique qui ne s’assume pas, le « Sommet des Libertés » a réuni des têtes d’affiche de l’extrême droite française, de Jordan Bardella à Sarah Knafo, sous l’impulsion des milliardaires ultra-libéraux, Bolloré et Stérin.
Par Thomas Lefèvre
Retraites : François Bayrou entre en mode survie
Politique 24 juin 2025 abonné·es

Retraites : François Bayrou entre en mode survie

Alors que le conclave sur les retraites se clôt sans accord, le premier ministre a choisi de lancer des dernières consultations à Matignon avec les syndicats et le patronat. La gauche prépare ses motions de censure.
Par Lucas Sarafian
Pour son premier congrès, « L’Après » d’Autain, Corbière, Simonnet et Garrido rêve encore d’union
Gauche 23 juin 2025 abonné·es

Pour son premier congrès, « L’Après » d’Autain, Corbière, Simonnet et Garrido rêve encore d’union

Ces 21 et 22 juin à Paris, l’agrégat des « purgés » de La France insoumise s’est structuré pour plaider, en chœur, au rassemblement de toute la gauche et une candidature commune en 2027. Une petite respiration unitaire au milieu des guerres hégémoniques.
Par Lucas Sarafian