« Sibyl », de Justine Triet : Identification d’une femme

Avec Sibyl, présenté en compétition, Justine Triet offre un rôle puissant à Virginie Efira.

Christophe Kantcheff  • 28 mai 2019 abonné·es
« Sibyl », de Justine Triet : Identification d’une femme
© crédit photo : le pacte distribution

Psychanalyste, Sibyl (Virginie Efira) ressent à nouveau le besoin d’écrire, après avoir publié naguère quelques romans remarqués. Le film s’ouvre sur une scène où un ami éditeur (interprété par l’écrivain Aurélien Bellanger) lui donne des conseils farfelus. Mais la piste n’est pas celle de la comédie. Pour se consacrer à l’écriture, Sibyl congédie tous ses patients sauf un jeune et grave garçon et une nouvelle venue désespérée, Margot, actrice en tournage et enceinte du comédien principal, Igor, qui est aussi en couple avec la réalisatrice du film en cours. En quête d’une histoire pour son prochain roman, Sibyl, fascinée par les confidences de Margot, l’enregistre en cachette.

Justine Triet et Virginie Efira. Les deux femmes se sont trouvées depuis Victoria_ (2016), où la cinéaste faisait fructifier les talents comiques de l’actrice. Ce deuxième film, après La Bataille de Solferino_ (2013), succès d’estime au bel accueil critique, avait donné une crédibilité commerciale à Justine Triet. Elle n’a pas cherché à s’en tenir là et passe à l’étape suivante, plus ambitieuse. Voici Sibyl, présenté en compétition. Qui offre à Virginie Efira un rôle plus étoffé, plus profond, le plus important de sa (encore) jeune carrière. Comment jouer un personnage voyant le sol s’effriter sous ses pas alors que son aide est ardemment sollicitée par ailleurs ? Virginie Efira se jette corps et âme dans son personnage, tout à la fois à l’écoute des autres et d’elle-même, franche et secrète, sensuelle et interdite. L’exposition de la comédienne est maximale, Sibyl constituant par là même un documentaire sur Virginie Efira et sa capacité à prendre des risques.

Par voie de conséquence, les autres personnages ont une existence moindre. C’est le cas en particulier d’Igor (Gaspard Ulliel) et, dans une moindre mesure, de Margot (Adèle Exarchopoulos). Prise entre l’affront amoureux, la jalousie et la nécessité de terminer son film, la réalisatrice (Sandra Hüller, l’héroïne de Toni Erdmann) se retrouve dans une situation inconfortable, lui donnant davantage d’épaisseur.

Sibyl est entraînée dans des situations qui remettent en question sa propre histoire et sa personnalité et où les frontières entre ce qui est inventé et ce qui ne l’est pas se confondent. « Ma vie est une fiction », s’exclame-t-elle, dont elle ne peut pourtant pas rester spectatrice. Sibyl, un révélateur d’identité par un maelström d’émotions.

Sybil, Justine Triet, 1 h 40. En salle depuis le 24 mai.

Cinéma
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