Médias : Un plafond de verre fissuré

Journalistes, consultantes, les femmes sont de plus en plus nombreuses dans les émissions de sport, principalement autour du foot. Une présence fondée sur leur légitimité professionnelle.

Jean-Claude Renard  • 5 juin 2019 abonné·es
Médias : Un plafond de verre fissuré
© photo : Isabelle Ithurburu commente le rugby sur Canal+.crédit : Philippe Laurenson / DPPI / AFP

Qu’on se souvienne : « Télé Foot », à la fin des années 1980, sur TF1. Marianne Mako est aux côtés de Thierry Roland et de Jean-Michel Larqué. Disparue récemment, elle est la première femme à parler football à la télévision, la première, entre 1987 et 1997, à apporter son regard, ses analyses, à interviewer les joueurs, à assurer également une chronique intitulée « Crampons aiguilles ». Elle avait commencé dans la rubrique sport à Sud-Ouest, RMC, France Inter et Libération, avant d’être repérée par Didier Roustan. Avant aussi de se confronter au sexisme ordinaire et assumé de Thierry Roland, qui refusait la présence de femmes dans le ballon rond. Pionnière et passionnée, Marianne Mako avait ouvert la voie.

Elle ne serait plus seule aujourd’hui. Estelle Denis et Candice Rolland, sur L’Équipe TV, Nathalie Iannetta sur TF1, Laure Boulleau sur Canal+, Margot Dumont et Anne-Laure Bonnet sur BeIN Sports, Carine Galli sur W9, M6, L’Équipe TV et RFI, Annie Gasnier, sur RFI encore… On pourrait ajouter Céline Géraud, qui a longtemps animé « Stade 2 », sur France 2, puis « Tout le sport », sur France 3, avant de partir sur RMC, ou encore Isabelle Ithurburu, côté rugby sur Canal+… S’il aura fallu attendre cette année pour voir une femme arbitre centrale d’un match de Ligue 1 (Amiens-Strasbourg), en l’occurrence Stéphanie Frappart, elles sont nombreuses aujourd’hui, ces journalistes et consultantes, à intervenir dans les médias. Non pour jouer les potiches, la bimbo italienne sur un plateau, mais clairement retenues pour leurs compétences et leurs qualités professionnelles. Pas toujours pour jouer le premier rôle certes, celui de commenter un match en direct (hormis Candice Rolland et Margot Dumont), mais tout de même : il semble que le plafond de verre commence à se fissurer. « Assurément, observe Annie Gasnier, qui anime depuis huit ans “Radio Foot” sur RFI, au quotidien, l’une des émissions les plus populaires de la chaîne, qui s’appuie également sur la présence de Carine Galli. Quand elle est là, on ne regarde pas si c’est un homme ou une femme, c’est d’abord une très bonne journaliste, et c’est devenu un modèle pour les journalistes femmes en Afrique. Les choses ont évolué. J’ai surtout l’impression que les femmes osent maintenant afficher davantage leurs compétences sur le foot, tandis qu’il y a chez les hommes de plus en plus de respect. »

Le parcours de Nathalie Iannetta est un autre exemple. Journaliste qui a débuté en 1995 sur Canal+, elle a été également conseillère du secrétaire général et du président de l’UEFA (et de François Hollande lors de l’Euro 2016). « On a besoin de la reconnaissance des garçons », dit-elle, se réjouissant de cette présence féminine dans les médias. « Mais de là à tirer un feu d’artifice, non. Elles ne sont pas encore les têtes de pont, ni à la rédaction en chef. »

Au moment où, notamment, TF1, Radio France et L’Équipe créent des dispositifs spéciaux pour couvrir cette Coupe du monde organisée en France, que peut-on attendre des effets à l’avenir ? Vincent Rodriguez, patron des sports à Radio France, entend bien enfoncer le clou, au-delà de cette compétition, pour une plus grande visibilité. Sachant qu’il existe encore « un fossé à combler entre les hommes et les femmes. Mais les médias, s’ils ne portent pas tout, sont un vecteur essentiel ». Pour Jérôme Saporito, à la tête de la chaîne L’Équipe, qui peut se targuer, au-delà du ballon rond, de couvrir le biathlon ou le cyclisme par des journalistes femmes, « il y aura un avant et un après cette Coupe du monde. On ne parlera plus de foot féminin mais de foot ». De son côté, pour Annie Gasnier, il s’agit de voir « ce qui va se passer autour. Identifier les joueuses, c’est déjà une reconnaissance ». Nathalie Iannetta renchérit : « On va pouvoir les regarder autrement, avec leur travail, leurs sacrifices. On peut espérer un regard qui change, différent, plus positif, et bienveillant. Il faut en espérer plus et pas trop. On ne peut pas tout demander au foot ! ».

Société Médias
Publié dans le dossier
Femmes et sports : Terrains à déminer
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