Avignon off : Seuls dans la foule

Avec la déambulation sonore Les rues n’appartiennent en principe à personne, Lola Naymark et Mélanie Péclat proposent une balade intimiste au cœur d’un Avignon méconnu des festivaliers.

Anaïs Heluin  • 16 juillet 2019 abonné·es
Avignon off : Seuls dans la foule
© crédit photo : Hasna Ben Brahim

La désertion d’Avignon par ses habitants lors du festival est une chose connue. Mais dans la frénésie du in et du off, dans la foule ininterrompue qui arpente la ville, il faut faire un effort pour ne pas l’oublier. Fruit de l’union estivale du Théâtre Louis-Aragon de Tremblay-en-France et du Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis, la Belle Scène Saint-Denis nous y aide avec Les rues n’appartiennent en principe à personne, une déambulation sonore conçue par Lola Naymark. Connue surtout pour son travail à la télévision et au cinéma (elle joue notamment dans plusieurs longs-métrages de Robert Guédiguian), la comédienne a aussi fondé la compagnie l’Hôtel du Nord, à Dunkerque, avec laquelle elle part depuis un an à la rencontre d’habitants de différentes villes pour les interroger sur leur rapport à leur quartier, à leurs rues.

Le rendez-vous est donné à l’extérieur de La Parenthèse, un peu en retrait de la très passante rue des Lices. Lola Naymark et la créatrice sonore Mélanie Péclat accueillent les douze spectateurs inscrits à chacune des trois balades successives organisées chaque jour. Elles nous fournissent un casque ainsi que les explications nécessaires. On ne les retrouvera qu’à la fin pour échanger quelques mots, poser quelques questions sur le processus de création. Pour l’heure, on se laisse guider par les voix que notre petit groupe est seul à entendre : celles de quatre habitants d’Avignon dont les deux artistes ont recueilli les témoignages, à partir desquels elles ont mis au point leur parcours. Par leurs mots, leurs anecdotes, ce sont elles qui règlent la marche. Et qui en font l’épaisseur.

D’âges, de métiers et de conditions différents, les habitants-témoins nous font remarquer un petit lézard en céramique accroché à une façade. Ils nous racontent l’histoire d’un scooter dont le propriétaire a disparu depuis deux ans, ou encore celle d’un salon de coiffure. On nous invite à choisir entre la minuscule rue Brouette et la tout aussi étroite rue Damette, où l’on ne croise pas l’ombre d’un festivalier. Nous sommes dans l’un des quartiers les plus pauvres ­d’Avignon, apprend-on. De même qu’en deux phrases on nous renseigne sur le rapport des habitants au festival, fait d’un mélange complexe de rejet et d’intérêt.

Mêlées à des réflexions plus générales sur le lien de l’habitant à ses rues, ces paroles précises, quotidiennes, nous mènent subtilement à regarder de l’extérieur nos pratiques de spectateurs. Et peut-être à rêver d’autres festivals, avec davantage de propositions comme celle de Lola Naymark, en quête d’autres manières d’envisager un dialogue avec le réel. Et il en existe.

Les rues n’appartiennent en principe à personne, La Parenthèse, à 17 h, 17 h 20 et 17 h 40, jusqu’au 19 juillet, 04 90 87 46 81, 07 67 78 84 78.

Théâtre
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