Raphaël Kempf : Combattre les lois scélérates
L’avocat Raphaël Kempf, rompu à la défense des manifestants et activistes, analyse comment, sous couvert de lutte contre un adversaire désigné, le pouvoir brade les droits de tous.
dans l’hebdo N° 1568 Acheter ce numéro

Avocat au barreau de Paris, Raphaël Kempf signe un essai historico-juridique sur les « lois scélérates » adoptées en 1893 et 1894 pour endiguer une vague d’attentats anarchistes. Au-delà d’une simple rétrospective, il entend montrer comment un État désigne son ennemi puis, au nom de la nécessaire éradication de celui-ci, sacrifie la liberté de tous. Notre époque a-t-elle tourné le dos aux sursauts sécuritaires de la fin du XIXe siècle ? Elle en serait plutôt le rebond. « Terroriste », « radicalisé », « casseur » : l’adversaire a changé de visage, mais la méthode demeure. C’est le règne du soupçon, de l’arrestation préventive et du délit d’opinion.
Loin d’être un ouvrage défaitiste, Ennemis d’État montre comment, à la faveur de l’Affaire Dreyfus, La Revue blanche (organe d’avant-garde littéraire) a constitué un véritable front antiautoritaire commun. Une leçon indispensable et actuelle pour les défenseurs des libertés publiques.
Vous semblez entretenir avec La Revue blanche une relation particulière, quelle est-elle ?
Raphaël Kempf : Ses articles sont sur ma table de chevet depuis quelques années. Jeune avocat, j’ai dû défendre un client poursuivi pour délit de provocation à la commission d’infraction. Prévu par la loi de 1881 sur la liberté de la presse, ce délit était en lien étroit avec l’infraction d’apologie, issue de la première loi scélérate. Pour préparer ma