Bolloré et la sulfure

Depuis ce lundi, voilà donc Eric Zemmour à l’antenne sur CNews.

Jean-Claude Renard  • 16 octobre 2019
Partager :
Bolloré et la sulfure
© Sameer Al-Doumy / AFP

Un choix assumé : « Vous pouvez faire six mois de grève, Zemmour viendra. » Tels sont les mots de Serge Nedjar, le très droitier directeur de CNews, bras doit de Vincent Bolloré sur cette chaîne d’info du groupe Canal +, adressés à sa rédaction. On se souvient qu’en 2016, après l’arrivée annoncée de Jean-Marc Morandini, mis en examen dans une affaire de corruption de mineurs, les journalistes de la chaîne, alors i-Télé, avaient mené une grève d’un mois, soldée par une centaine de départs et la purge des fortes têtes. Gageons qu’il n’y aura pas cette fois une nouvelle grève dans une rédaction décimée, même si +Libres, premier syndicat du groupe Canal +, déplore un « grave manquement à l’éthique ».

Depuis ce lundi, voilà donc Eric Zemmour à l’antenne sur CNews. Non pour une chronique de cinq minutes mais pour une quotidienne d’une heure, dans une émission conçue autour de lui, « Face à l’info », à un horaire capital (19 heures). Une quotidienne, du lundi au jeudi, présentée par Christine Kelly, ex-journaliste de LCI, ex-membre du CSA. Et Noire. La caution idéale, l’alibi parfait. Une première partie pour commenter l’actu, avec trois chroniqueurs maison (Éric Revel, Éric de Riedmatten et Marc Menant), très masculine donc, et une seconde partie avec un face-à-face entre Zemmour et une personnalité. Pour la première, hasard de la programmation sans doute, le téléspectateur a eu droit à un débat sur… l’islam (!) entre l’essayiste Mohamed Sifaoui et le polémiste, déployant tout bonnement son discours professoral de haine ordinaire. Le ton est donné. En attendant la venue sur le plateau de Michel Onfray et BHL. Plus ça pue, plus on court à la gamelle.

Pour Zemmour, viré de la chaîne en 2014 après ses propos haineux accordés au journal italien Corriere della sera, c’est un retour. Et ce retour sur CNews (à la ramasse en termes d’audience) intervient à peine une semaine après qu’il a été écarté de RTL suite à sa condamnation pour provocation à la haine religieuse et à son discours particulièrement violent lors de la Convention de la droite qui lui vaut l’ouverture d’une enquête par le parquet de Paris. Éric Zemmour rejoint ainsi Élisabeth Lévy, Yvan Rioufol, Pascal Praud et Jean-Marc Morandini, réactionnaires chevronnés. Soit l’inutile joint au nauséabond. Ce n’est plus une quête du buzz mais une ligne éditoriale. Tout se passe comme si Vincent Bolloré cherchait à faire de sa chaîne d’info une Fox News à la française, à droite des confins de la droite. Il reste à recruter Robert Ménard.

Publié dans
Parti pris

L’actualité vous fait parfois enrager ? Nous aussi. Ce parti pris de la rédaction délaisse la neutralité journalistique pour le vitriol. Et parfois pour l’éloge et l’espoir. C’est juste plus rare.

Temps de lecture : 2 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Européennes : à gauche, deux salles, deux ambiances
Parti pris 17 avril 2024

Européennes : à gauche, deux salles, deux ambiances

Et revoilà le vieux refrain des gauches irréconciliables. D’un côté, un candidat de compromis qui réactive le logiciel social-démocrate. De l’autre, la rupture brandie comme moteur de la gauche. Les vieux réflexes hégémoniques menacent une possible réconciliation après les élections.
Par Lucas Sarafian
Pollueurs éternels
Billet 10 avril 2024

Pollueurs éternels

Une proposition de loi contre les substances chimiques « per- et polyfluoroalkylées » – PFAS – aussi appelé « polluants éternels », a été adoptée à l’unanimité. Elles sont le révélateur de deux mondes qui s’affrontent avec aigreur alors qu’elles devraient être le tournant vers une bifurcation écologique globale.
Par Vanina Delmas
La proportionnelle, nouvelle arme anti-RN ?
Parti pris 5 avril 2024

La proportionnelle, nouvelle arme anti-RN ?

Il est urgent de changer le mode de scrutin si l’on ne veut pas voir l’extrême droite ravir la majorité des sièges à l’Assemblée nationale, estime un collectif de chercheurs et d’élus. L’idée séduit mais il faut en mesurer les effets.
Par Michel Soudais
Erdogan, quoi après la raclée ?
Parti pris 2 avril 2024

Erdogan, quoi après la raclée ?

Les résultats des élections municipales en Turquie ont vu la déroute de l’AKP, le parti de Recep Tayyip Erdoğan. Bien qu’affaibli, on ne doute pas que l’autoritaire président tentera, une fois de plus, de faire mentir ceux qui préparent son enterrement politique.
Par Patrick Piro