Olivier Piot : « Pour les Kurdes, le mal est déjà fait »
Grand reporter indépendant et auteur de plusieurs ouvrages sur la région, Olivier Piot analyse le jeu des puissances au nord de la Syrie depuis l’offensive turque.
dans l’hebdo N° 1573 Acheter ce numéro

Une trahison de plus. La décision, le 6 octobre, de Donald Trump de retirer ses forces armées de Syrie constitue un véritable abandon des Kurdes, qui furent pourtant le fer de lance des combats contre Daech, les Occidentaux y contribuant surtout par voie aérienne. Les Forces démocratiques syriennes (FDS), composées principalement des YPG kurdes, sont seules face à leur ennemi de toujours, la Turquie.
À lire aussi >> Le faux ami des Kurdes
Celle-ci a, depuis plus d’une semaine, toute latitude pour attaquer les Kurdes, d’abord avec l’aviation puis des blindés et l’infanterie. Ce qui contraint, bon gré mal gré, les leaders du Kurdistan syrien à faire appel à Bachar Al-Assad pour leur protection, signant la fin de leur projet d’autonomie. Les Kurdes sont coutumiers des trahisons occidentales depuis la fin de la Première Guerre mondiale, quand Britanniques et Français ont renié leur promesse d’une souveraineté territoriale. Fin connaisseur de l’histoire kurde, Olivier Piot décrit la situation tragique du nord-est syrien.
Où en est aujourd’hui l’offensive turque contre les forces kurdes ?
Olivier Piot : Cette offensive, qui a débuté mercredi 9 octobre, a très certainement été longuement préparée, puisque les Turcs en parlent depuis presque trois ans, depuis leur première campagne militaire en Syrie en 2016 (contre Daech, alors), puis celle de 2018 contre les Kurdes dans le canton d’Afrin. Cela fait donc au moins deux ans que le président turc, Recep Tayyip Erdogan, affiche clairement sa volonté de faire de cette zone du nord de la Syrie une zone sécurisée. L’état-major turc a identifié quelque deux cents cibles – des villages, certaines villes ou certains quartiers, des QG des FDS – et,