Un macroniste exemplaire

Les proférations du général Georgelin sont tout à fait dans le ton d’un quinquennat où « le respect » est foulé aux pieds.

Sébastien Fontenelle  • 20 novembre 2019 abonné·es
Un macroniste exemplaire
© PIERRE VERDY / POOL / AFP

Le général Jean-Louis Georgelin, à qui Emmanuel Macron a confié après l’incendie d’avril dernier (et pour célébrer, peut-être, la pérennité de l’alliance française du sabre et du goupillon) la supervision de la reconstruction de Notre-Dame de Paris, a donc fanfaronné, devant la commission des affaires culturelles et de l’éducation (sic) de l’Assemblée nationale, qu’il avait demandé à l’architecte en chef des monuments historiques (qui milite activement pour que la flèche de la cathédrale soit refaite à l’identique) de « fermer sa gueule ».

Apprenant cela, Franck Riester, ministre de la Culture, a aussitôt dit son indignation : de tels propos, a-t-il déclaré, « ne sont pas acceptables ». Car, a-t-il ajouté : « Le respect est une valeur cardinale de notre société. » Puis de conclure : « En tant que responsables publics, nous devons être exemplaires. » En quoi M. Riester se trompe, puis se retrompe et se retrompe encore (et risque au surplus, s’il persiste dans ces hardiesses, de finir par se faire très mal voir du chef de l’État français), car les proférations du général sont au contraire, comme nous allons le vérifier ci-après, tout à fait dans le ton d’un quinquennat où « le respect » d’autrui est quotidiennement foulé aux pieds par « les responsables » élyséen et gouvernementaux. De sorte qu’en vérité Jean-Louis Georgelin, par sa grossière profération même, a (re)montré qu’il était un macroniste exemplaire, et de très stricte obédience.

En effet, lorsque Emmanuel Macron s’adresse à ses administré·e·s – à ces gens qui, pour la plupart, l’ont élu parce qu’ils ne voulaient pas de la Pen à la présidence de la République, et sans lui accorder, à lui, aucun autre crédit, d’aucune sorte, que celui de se trouver au bon endroit au bon moment –, c’est bel et bien, et le plus souvent, pour leur signifier, s’ils ne sont pas du petit cénacle de possédant·e·s qu’il gave au contraire d’aides étatiques et d’attentions, qu’il faut qu’ils ferment leur gueule. Lorsqu’il s’est, par exemple, trouvé confronté pour la première fois, en 2018, à la colère des gilets jaunes, il a immédiatement dénoncé, depuis l’entrepont d’un porte-avions nucléaire (1), « l’addition des colères » dont témoignait ce soulèvement, et juré que, plutôt que de prêter attention aux détresses qui s’y exprimaient, il « maintiendrait le cap » de ses réformes antisociales. (Promesse qu’il a ensuite réitérée maintes et maintes fois – et tout récemment encore lorsqu’il a répété qu’il mènerait à son terme son odieuse réforme thatchérienne des retraites.)

Après quoi, il a délivré à ses troupes de choc policières le blanc-seing qui, depuis lors, les laisse absolument libres de mutiler, à coups de Flash-Ball et de grenades, les manifestant·e·s qui, bravant la haine et le mépris de ce président qu’on ne peut plus guère qualifier, pour rester dans les limites de la bienséance, que d’ultra-autoritaire, continuent d’exprimer dans les rues qu’ils ne supportent plus ses brutalités sociales : ce président qui, donc, fait casser les gueules de celles et ceux qui refusent encore de les fermer – et de se courber sous le joug des brutes épaisses qui nous gouvernent.

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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