L’écologie subversive de Noël Mamère

L’ancien journaliste et député souligne l’urgence d’un combat très politique, indissociable du combat social.

Denis Sieffert  • 1 juillet 2020 abonné·es
L’écologie subversive de Noël Mamère
Des enfants participent au mouvement Extinction Rebellion à Madrid le 29 mai 2020.
© Jon Imanol Reino/AFP

Combien de rendez-vous ratés depuis ce premier « Jour de la Terre » d’avril 1970, lorsque vingt millions d’Américains, jeunes pour la plupart, ont battu le pavé ? Dans un ouvrage très personnel qui est aussi l’histoire de son combat, Noël Mamère retrace les grandes étapes d’une déjà longue bataille écologiste « pour sauver nos vies ». Pour la mener à bien dans une situation d’urgence extrême, Mamère nous propose à la fois une éthique et une politique. Il enracine ce combat dans une histoire philosophique et spirituelle en rendant hommage aux grands visionnaires que furent Bernard Charbonneau et Jacques Ellul, sans oublier l’ancêtre, Élisée Reclus. Dans leur sillage, il poursuit une quête de cohérence. On ne peut pas être écologiste si on n’est pas pleinement engagé dans le combat social, si on est indifférent au sort des immigrés. On ne peut affronter les défis planétaires si on n’a pas conscience que l’on est face à un système global. Ce système, Mamère le dissèque dans tous ses aspects, économiques et culturels. Au centre, bien sûr, des multinationales toutes-puissantes, principalement de l’industrie du pétrole, et leurs soutiens politiques. Il cite évidemment Reagan et Bush père, qui ont anéanti les efforts de leur prédécesseur, Jimmy Carter, à qui il rend un étonnant hommage. Il raconte cette anecdote qui témoigne de la rage furieuse d’un Reagan qui, aussitôt élu, s’empresse de démonter les panneaux solaires que Carter avait fait poser sur le toit de la Maison Blanche.

Mais il n’y a pas que ceux qui agissent à visage découvert. Il y a aussi les spécialistes du double discours. Macron est de ceux-là. Mamère fustige les « cyniques », les « imposteurs » et les « négationnistes BCBG », comme Onfray, Bruckner et autres Enthoven, qui attaquent la jeune Greta Thunberg pour ne pas affronter ouvertement la cause qu’elle défend. Il remet aussi à sa place l’opportuniste Chirac qui clamait « Notre maison brûle », mais se gardait de dénoncer les causes et les coupables de cette situation, préférant y voir la conséquence d’un fléau naturel. Façon de dépolitiser le sujet. À l’inverse, Mamère, lui, politise. « L’écologie, dit-il, est la seule idée subversive de ce début de millénaire. » Autant dire qu’il n’est pas un adepte du ni droite ni gauche. Il note que Nicolas Hulot a fait la démonstration qu’on ne pouvait rien dans un gouvernement qui n’est pas écologiste. Les écologistes, dit-il, doivent rassembler avec leurs alliés naturels en se gardant de céder à l’ivresse de l’hégémonie. Personne ne parviendra seul à transformer le modèle dominant. En cela, son livre est d’une évidente actualité politique. Et pas seulement en raison de l’urgence climatique. Au passage, il donne un sérieux coup de griffe aux intégristes de l’écologie. Les collapsologues et autres « écologistes identitaires » qui pensent leur survie quand il faut repenser la vie.

L’Écologie pour sauver nos vies Noël Mamère, Les petits matins, 158 pages, 14 euros.

Idées
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