Portrait de flic : Max, 38 ans, OPJ à Paris

« Dès l’école de police, on nous dit que la banlieue est une jungle peuplée de sauvages. »

Oriane Mollaret  • 20 juillet 2020
Partager :
Portrait de flic : Max, 38 ans, OPJ à Paris
© Damien MEYER / AFP

Petit garçon, Max se rêvait en Sherlock Holmes. Après avoir travaillé quelques années dans le milieu associatif, il entre dans la police à 27 ans, pour _« faire de l’humain » et *« défendre la veuve et l’orphelin ».___

Une vision « un peu naïve », confie-t-il après dix ans de métier durant lesquels les enquêtes ont laissé place à des affaires moins glorieuses. « Les premières années, je n’ai pas ressenti de pression politique. Mais il y a eu un point de bascule avec Macron. » Le policier est en colère : « Depuis deux ans, on fait de la merde. On place en garde à vue des gilets jaunes et des vendeurs de clopes à la sauvette pour qu’on dise que la police fait régner la paix sur le XVIIIe arrondissement de Paris ! »

Et le confinement n’a pas arrangé les choses. « Les contraventions pour non-respect du confinement étaient enregistrées dans un fichier informatique, explique l’OPJ. À la quatrième contravention, c’était considéré comme un délit. Aujourd’hui, il y a des gens qui ont été condamnés à de la prison ou qui sont en détention provisoire pour non-respect du confinement ! Et il y a parmi eux beaucoup de jeunes de quartier avec qui certains policiers avaient des comptes à régler. »

Si Max a été agréablement surpris par la diversité sociale des gardiens de la paix, il n’avait pas anticipé le racisme ambiant : « Dès l’école de police, il y a un discours néocolonialiste :

« On nous dit que la banlieue est une jungle peuplée de sauvages. »

Alors, l’OPJ essaie de « déconstruire ». « Je me rends compte qu’en garde à vue on a plus souvent Mohammed, 19 ans et en survêtement, que Jean-Pierre, 45 ans et son attaché-case. Parce que, lors d’un contrôle d’identité, ce n’est pas l’identité qu’on cherche, c’est l’infraction. Et plus on contrôle de Mohammed, plus on a de chances de trouver des infractions commises par des Mohammed… »

Sur le racisme comme sur les violences policières, pour Max, le problème vient de l’institution en elle-même. « Il y a des violences policières et un racisme qui sont systémiques, liés à la formation, à l’impunité, aux ordres reçus… »

Aujourd’hui, le policier a atteint ses limites. Il a déjà prévenu sa hiérarchie qu’il démissionnerait l’année prochaine. « Je viens d’un milieu de gauche, où il y avait une image négative de la police, explique-t-il. J’ai voulu aller voir de l’intérieur, en me disant que, si c’était vraiment pourri, il y avait peut-être moyen de changer les choses de l’intérieur. Mais ce n’est pas ­possible. »

*Les prénoms ont été changés.

Société Police / Justice
Publié dans le dossier
Où va la police ?
Temps de lecture : 2 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Terrorisme d’extrême droite : la mémoire lacunaire des prévenus d’AFO
Extrême droite 13 juin 2025 abonné·es

Terrorisme d’extrême droite : la mémoire lacunaire des prévenus d’AFO

Malgré une procédure d’instruction établissant les projets violents de ce groupe visant la communauté musulmane, les premiers prévenus ont affirmé n’avoir jamais cru aux projets d’attentats, ou de ne pas en avoir eu connaissance. Une forme de légèreté dérangeante.
Par Pauline Migevant
Génocide dans la bande de Gaza : le temps de la justice
Justice 11 juin 2025 abonné·es

Génocide dans la bande de Gaza : le temps de la justice

Ces derniers jours, une Française a déposé plainte contre Israël, et une information judiciaire a également été ouverte par le parquet national antiterroriste contre des Franco-Israéliens. Ces procédures ne stopperont pas le génocide en cours mais elles participent à briser un lourd silence.
Par Céline Martelet
Guyane : l’interminable attente des réfugiés haïtiens
Enquête 11 juin 2025 abonné·es

Guyane : l’interminable attente des réfugiés haïtiens

À Cayenne, des ressortissants d’Haïti fuient l’effondrement de leur pays. Face à des délais de traitement de leur dossier démesurés, leurs demandes d’asile et leurs vies sont suspendues à une administration débordée.
Par Tristan Dereuddre
Claire Hédon : « En Guyane, le droit d’asile n’est pas respecté »
Entretien 11 juin 2025 abonné·es

Claire Hédon : « En Guyane, le droit d’asile n’est pas respecté »

Dans la région d’outre-mer, les demandeurs d’asile attendent jusqu’à deux ans pour accéder à un simple rendez-vous en préfecture, légalement censé être obtenu sous trois jours. La Défenseure des droits, Claire Hédon, dénonce des atteintes aux droits fondamentaux et appelle les acteurs locaux à saisir son institution.
Par Tristan Dereuddre