Le PS voit l’union en vert

Requinqués par les municipales, les socialistes sous l’impulsion de leur premier secrétaire appellent à la constitution d’un bloc social-écologique pour l’emporter en 2022.

Michel Soudais  • 2 septembre 2020 abonné·es
Le PS voit l’union en vert
Éric Piolle et Olivier Faure, à l’université d’été du Parti socialiste, le 29 août à Blois.
© Guillaume SOUVANT/AFP

À Blois, le Parti socialiste a célébré le week-end dernier sa « renaissance ». Et commencé à tracer les contours de ce que ses dirigeants appellent « la gauche d’après ». Une gauche rassemblée avec les écologistes (et d’autres si affinités) « autour d’une offre sociale, écologique, démocratique, féministe et européenne » qui se donne pour horizon la construction d’un « État providence social-écologique ».

Après son naufrage électoral de 2017, le parti d’Épinay était donné pour moribond. Les municipales l’ont requinqué. Non seulement le PS a conservé toutes les grandes villes qu’il détenait, à l’exception de Poitiers passée aux mains d’EELV, mais en a conquis de nouvelles grâce à de larges coalitions (1) portées par une nouvelle génération d’élus fêtés vendredi soir dans le cadre grandiose du château de Blois. Samedi, en prélude au discours du premier secrétaire, les coprésidents du Conseil national, Luc Broussy et Marie Le Vern, ont égrené les noms d’une partie de ses édiles, élus ou réélus, avant d’indiquer, pour justifier qu’ils ne puissent tous les citer, que la « liste comportait un millier de noms ». Une « victoire » dont Olivier Faure s’est prévalu en soulignant qu’elle était « la première depuis huit ans » : « C’est fait ! Nous n’avons plus peur, nous sommes à nouveau de retour. »

Le choix d’une « ville symbole de la Renaissance » pour tenir leur université d’été, après 23 éditions à La Rochelle, où les socialistes étaient revenus l’an dernier après trois ans d’interruption, était, selon Olivier Faure, un « clin d’œil voulu ». C’était également, pour un parti aux moyens désormais modestes et pour ses militants, l’opportunité d’organiser une rentrée politique « à moindres frais », a-t-il confié à la presse. Malgré des règles sanitaires strictes (limitation du nombre de présents dans les salles, contrôle de température à l’entrée, port du masque obligatoire en tout lieu et dans le centre-ville…), 2 500 personnes dont 25 % de moins de 30 ans, selon les organisateurs, ont participé aux quelque soixante-dix « ateliers, animations et débats thématiques » autour de 200 intervenants issus de divers syndicats, associations et think-tanks, mais aussi de tous les partis réputés de gauche. Parmi ces derniers, les écologistes d’Europe Écologie-Les Verts (EELV) étaient les plus nombreux. Une forte présence voulue par Olivier Faure, qui a ostensiblement discuté avec Yannick Jadot puis Éric Piolle, autant pour marquer l’aggiornamento écologiste de son parti que pour déblayer les obstacles à un « rassemblement » avec le parti vert dans la perspective de 2022.

Fin juin, le chef des socialistes avait surpris jusque dans les rangs de son parti en déclarant qu’il était « prêt », pour exorciser la perspective d’un duel Macron-Le Pen au second tour de la présidentielle, à se ranger derrière un candidat qui incarne « le bloc social et écologique », qu’importe son « origine » politique. À Blois, il a enfoncé le clou. « Nous n’avons plus le temps pour les calculs médiocres, a-t-il lancé à ses troupes. Plus le temps pour les stratégies individuelles […] qui conduisent toujours à la défaite. Si nous n’enclenchons pas maintenant une dynamique nouvelle, celle engagée avec le bloc social-écologique [aux municipales]_, alors nous serons tous réduits au rôle de spectateurs._ » Maintenant, c’est-à-dire dès les élections départementales et régionales, a-t-il précisé : « Si nous partons divisés dès les échéances de mars 2021, nous avons peu de chances de partir unis à l’élection présidentielle. » Cette échéance majeure, il l’envisage comme celle d’« une coalition » qui, « pour la première fois peut-être en France », se sera mise « d’accord sur un programme d’action » dont il veut débattre « dès les prochaines semaines ».

Olivier Faure peine toutefois à préciser la méthode d’élaboration de ce « projet commun » de la gauche d’après qui ne serait, prétend-il, « pas si difficile que ça » à définir. D’autant qu’il entend y associer « les syndicats, les associations, les ONG, l’ensemble du mouvement non lucratif, les think-tanks, et les citoyens engagés dans des causes et dans des combats locaux ». « Il suffit de prendre une salle avec un grand tableau blanc où chacun écrirait ses cinq, dix ou quinze priorités, a-t-il déclaré lors d’une rencontre avec la presse. Et dirait ensuite s’il est OK ou non afin de définir quel est le poids moyen. » Ces propositions seraient ensuite chiffrées par des experts. Comment croire que cette procédure produira autre chose qu’un projet fade et sans grand relief tant les divergences seraient grandes entre les parties prenantes à cette « construction collective nouvelle » ?

Pour l’illustrer et donner des gages de sa bonne volonté, Olivier Faure s’est dit prêt à reprendre des slogans chers aux écolos (« Pour le climat tout doit changer »), à Attac (« Ne pas opposer la fin du monde et la fin du mois »), au PCF (« L’humain d’abord ») et même au… NPA (« Nos vies valent mieux que leurs profits »). Mais il ne s’agit en l’espèce que de slogans, nullement des mesures que ceux qui les portent jugent nécessaires pour les concrétiser.

Cette volonté de rassemblement se heurte en interne aux résistances des nostalgiques de la gauche d’avant. Quand le PS pouvait asseoir son hégémonie sur ce camp. François Rebsamen est l’un des plus virulents. Opposé à cette stratégie d’ouverture à gauche qui se mène, selon lui, « au détriment de l’identité du PS », le maire de Dijon a rappelé en clôture du séminaire de la Fédération nationale des élus socialistes et républicains (FNESER), dont il est le président, que son parti demeurait « le premier parti territorial de France », après les municipales. Raison pour laquelle il exclut que le PS se range derrière des écologistes dont certains partagent, selon lui, une « vision radicale, obscurantiste », qui « ne veulent plus du progrès social ».

Un point de vue partagé par… François Hollande dans un entretien à Ouest-France, samedi. L’ancien président failli estime que le PS « a le devoir » d’être « la force centrale » à gauche, et ne doit « se rallier » ni à une candidature écologiste ni à Jean-Luc Mélenchon pour 2022. Dans un registre voisin, Stéphane Le Foll, maire du Mans, réclame une « refondation » du PS. Celle-ci, déclare-t-il dans Le Journal du dimanche (30 août), ne peut se faire dans le congrès prévu d’ici à la fin de l’année mais nécessite des « états généraux des socialistes et de la gauche » qui, au terme de six mois de débats, déboucheraient sur « un nouveau mouvement ».

L’appel au rassemblement ne rencontre également qu’un intérêt poli des écologistes d’EELV. Intéressés par la constitution d’une coalition en 2022 qui adouberait leur candidat, ces derniers ont déjà annoncé pour 2021 qu’il y a aura dans toutes les régions un candidat écologiste. Y compris contre les présidents PS de celles-ci, le scrutin permettant de se compter au premier tour et de fusionner au second. L’union, si elle voit le jour, se construira aussi sur un rapport de force électoral. À condition de ne pas être éliminé au premier tour, comme cela avait été le cas en 2015 dans les Hauts-de-France et en Paca.

(1) Allié à EELV et d’autres partis de gauche (PCF, Génération·s…), le PS a engrangé 14 villes de plus de 100 000 habitants et 84 de plus de 20 000.

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