Philippe Jaworski : « Orwell n’est pas seulement l’auteur de 1984 »
L’écrivain britannique fait son entrée dans la Pléiade. Philippe Jaworski, qui en a dirigé l’édition, veut mettre en lumière la complexité de cet intellectuel trop souvent réduit à son engagement antistalinien.
dans l’hebdo N° 1627 Acheter ce numéro

Dans un magnifique petit essai de 1946 intitulé Pourquoi j’écris, George Orwell expliquait : « Tout ce que j’ai écrit d’important depuis 1936, chaque mot, chaque ligne, a été écrit, directement ou indirectement, contre le totalitarisme et pour le socialisme démocratique. » Pourtant, celui qui fut trop souvent réduit à son tout dernier roman, 1984, décrivant une société de surveillance totalitaire, métaphore du stalinisme bureaucratique, n’a cessé d’être l’objet de tentatives de récupérations réactionnaires. Mais aussi d’une bonne part de la gauche non communiste européenne, du fait de son antisoviétisme farouche. Car au cours de la guerre civile espagnole, Orwell, qui s’engagea dans les Brigades internationales au sein des unités combattantes du Parti ouvrier d’unification marxiste (Poum), dissident des anarchistes, des socialistes et du PCE, fut témoin du rôle des staliniens exécutant d’autres militants au sein même du camp républicain. Et comprit alors les ressorts implacables du totalitarisme soviétique.
Comme le décrit son ami et biographe (libertaire) canadien George Woodcock (1), Orwell fut, dès sa disparition en 1950, l’objet d’une admiration sans borne « des conservateurs et des défenseurs de la libre entreprise de tous acabits », mais aussi, « à l’extrémité gauche », de certains cercles anarchistes, trotskistes ou socialistes. Et sa « complexité protéiforme », preuve d’une pensée « non systématique », en fait « le dernier héritier d’une lignée de penseurs radicaux individualistes du XIXe siècle », comme Hazlitt, Cobbett ou Dickens…
Les écrits de George Orwell ont souvent été au cœur des grandes polémiques du siècle dernier. En France, il a été mis en avant par une partie de l’intelligentsia dite « antitotalitaire » et par la droite au nom de l’anticommunisme. Aviez-vous