Polars department

Retenons bien le nom de Martha Ettinger, shériffe : elle deviendra une héroïne majeure du polar états-unien.

Sébastien Fontenelle  • 18 novembre 2020
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Polars department
© Mint Images / Mint Images via AFP

Cette semaine : partons pour une petite promenade en 3 000 (exigus) signes (espaces comprises) parmi quelques récents polars yankees.

Gardons sa préséance à l’ancienneté, et constatons d’abord que Michael Connelly, devenu au fil des décennies l’un des parrains du genre, semble avoir enfin trouvé, dans Incendie nocturne (1), et après le tâtonnement de Nuit sombre et sacrée (2) – qui n’était qu’à moitié convaincant –, un juste équilibre dans le maniement simultané de son plus ancien personnage – le légendaire enquêteur Hieronymus « Harry » Bosch – et de sa nouvelle héroïne post-MeToo : l’inspectrice du LAPD (Los Angeles Police Department) Renée Ballard. Ensemble, ces deux réfractaires doivent ici résoudre l’assassinat d’un sans-abri et un meurtre plus ancien : l’une de ces affaires non résolues dont Bosch s’empare régulièrement, et qui sont pour Connelly autant de prétextes à l’auscultation – sous le sceau d’un progressisme bien tempéré – des maux qui rongent les États-Unis.

Découvrons ensuite, plus au nord, dans la vallée de la Madison, la nouvelle (et troisième) enquête de Martha Ettinger, shériffe dans le Montana. Retenons bien le nom de cette femme : elle deviendra, n’en doutons pas, une héroïne majeure du polar états-unien. Avec Sean Stranahan, guide de pêche de son état, elle doit elle aussi mener, dans ce nouvel opus, deux enquêtes en même temps : l’une sur une mort violente, l’autre sur la disparition d’une jeune femme dont le surnom, « la Vénus de Botticelli Creek » (3), donne son titre à ce livre porté par l’humanisme profondément rassérénant de son auteur, Keith McCafferty, et par l’immensité des paysages dont il excelle à restituer, d’une écriture où n’entre jamais la moindre complaisance, l’éblouissante splendeur.

Puis, pour finir, redescendons, en même temps que nous remonterons le temps, jusqu’à Atlanta (Géorgie), pour y découvrir, sous la plume extraordinairement effilée de Thomas Mullen, l’obligation qui fut faite au département de police de cette ville, à la toute fin des années 1940, de recruter enfin quelques agents noirs – évidemment privés de tout dans cette Amérique ségréguée. Darktown (4), roman extrêmement impressionnant – et d’une âpreté parfois suffocante –, suit le combat que doivent mener contre leur propre hiérarchie deux de ces hommes en particulier, vétérans de la Seconde Guerre mondiale écrasés par le racisme, et pourtant décidés à exercer leur métier : de sorte qu’évidemment il nous parle aussi des États-Unis d’aujourd’hui, où la haine raciale continue de faire les ravages que l’on sait au sein des institutions policières.

(1) Calmann-Lévy, octobre 2020, 468 pages, 21,90 euros.

(2) Calmann-Lévy, mars 2020.

(3) Gallmeister, juin 2020, 429 pages, 24,40 euros. Signalons, chez le même éditeur, la parution, le mois dernier, d’une nouvelle enquête, toujours aussi plaisante à lire, du shérif Walt Longmire et de son adjoint Henry Standing Bear, confrontés cette fois-ci à de râpeux bikers : Une évidence trompeuse, de Craig Johnson, 402 pages, 24,20 euros.

(4) Rivages/Noir, 479 pages, 9,80 euros.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

Temps de lecture : 3 minutes
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