Didier Cros, dans l’absolu

Coup de projecteur sur la personnalité de Didier Cros avant la diffusion de son nouveau film, La Disgrâce, mardi 5 janvier sur France 2.

Jean-Claude Renard  • 4 janvier 2021
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Didier Cros, dans l’absolu
© Photo : Zadig Productions

Pour le webmagazine “Un état du monde et du cinéma”, en partenariat avec Politis, le documentariste Didier Cros, s’était prêté au jeu des questions d’un autre réalisateur, Joseph Beauregard, aux nôtres également.

L’occasion de revenir sur plusieurs de ses films. A commencer par le premier, Les Bains douches (2000), dans lequel il s’attache aux exclus que sont les SDF, à travers la lucarne d’un acte quotidien : la toilette. Un acte ordinaire mais qui s’inscrit dans une résistance à la défaite intime et définitive. Avec Ado d’ailleurs, tourné en 2006, autour d’un jeune mineur isolé afghan, c’est un sujet dont on parle peu encore. Et un film signifiant qui parle au nom de tous. Dans Parloirs (2010), il rend compte de la solitude croisée entre l’extérieur et l’intérieur, tandis que Sous surveillance (2010) déploie un autre quotidien, celui des matons, à la besogne terriblement humaine et ingrate. Dans un autre genre, la Gueule de l’emploi (2011) livre la violence du mode de recrutement, avec ses méthodes abjectes. Avec Enfin Français ! (2015), il relate l’accession à la nationalité française, un parcours administratif pénible, entre absurdités et humiliations, avec, au bout du compte, bien souvent, une décision flirtant avec la discrimination.

D’un film à l’autre, et d’un sujet l’autre (le handicap, la pauvreté, la prison), Didier Cros en convient : « On prend plus qu’on ne donne. Notre devoir est de réduire au maximum ce qu’on prend et ce que nous avons à offrir. » A y regarder de près, « si on était conscient dans ce quoi on s’embarque, on ne ferait pas la moitié des films qu’on a fait, tellement c’est complexe, difficile, tellement le réel nous échappe ! » Mais, poursuit-il, « ce serait pire si on ne faisait rien ».

Une constante : l’image de soi et le regard de l’autre. D’où l’attrait pour le huis-clos chez ce réalisateur pudique, nourri de cinéma, notamment des films de Wiseman. Son nouveau documentaire, La Disgrâce, diffusé enfin cette semaine (il était temps alors que le film a été salué dans une quinzaine de festivals en France et à l’étranger) repose justement sur un face caméra de gueules cassées. Des trognes devenues des bêtes de foire, dans un monde régi par l’image. L’une sous le jet d’acide sulfurique, l’autre sous les effets d’un accident domestique, d’autres encore victimes d’une maladie génétique ou d’un cancer. Toutes filmées dans l’atelier des studios Harcourt, aux propos sobrement recueillis. Des histoires intimes qui furieusement ressemblent à Didier Cros, sensible, modeste, aux confins de l’intelligence. C’est aussi tout l’intérêt de voir se livrer un documentariste lui-même chouraveur et chipeur de trajectoires, d’itinéraires, de récits personnels. Comme un jeu de miroir.

La Disgrâce, un film de Didier Cros, diffusé mardi 5 janvier à 23h10, sur France 2 et en Replay jusqu’au 5 mars.

Cinéma
Temps de lecture : 3 minutes
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