Les omissions de Mme Schiappa

La mention de sordides errements aurait nui au message d’un gouvernement « pleinement mobilisé contre l’antisémitisme ».

Sébastien Fontenelle  • 13 octobre 2021
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Les omissions de Mme Schiappa
© Andre Alves / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

La semaine dernière, Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’Intérieur d’Emmanuel Macron, chargée de la Citoyenneté, a confectionné un tweet rappelant que, « depuis 2017, le Gouvernement (1) est pleinement mobilisé contre l’antisémitisme », et qu’il a notamment œuvré à la « dissolution de groupuscules néonazis et islamistes (2) », à la « sécurisation des synagogues et des lieux sensibles (3) », et à la « création d’une division de lutte contre les haines ».

Dans le moment où l’horizon médiatique est bouché par un agitateur d’extrême droite connu pour ses plaidoyers en faveur du maréchal Pétain et pour son déjeuner (en janvier 2020) avec (d’une part) un convive pour qui les chambres à gaz sont « un point de détail » de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale et (d’autre part) la fille de Joachim von Ribbentrop, officier SS devenu ministre des Affaires étrangères d’Adolf Hitler, il était sans doute nécessaire d’insister sur la vigilance du gouvernement. Et il faut donc remercier d’abord Marlène Schiappa d’avoir procédé au rappel de sa mobilisation contre l’antisémitisme.

Mais, juste après, il faut se pencher sur ce qu’elle tait. Par exemple, elle occulte qu’en 2018 ledit gouvernement avait planifié (avant d’y renoncer devant le tollé) de célébrer l’anniversaire de la naissance de l’immonde Charles Maurras, inventeur de l’« antisémitisme d’État ». Puis encore elle omet que, la même année (4), le chef de l’État français a voulu (avant d’y renoncer devant le tollé) « honorer » la mémoire du « grand soldat » Pétain. Ou encore que ce même président a offert, en 2019, un entretien exclusif à un magazine d’extrême droite déjà condamné pour provocation à la haine – mais dont il a pourtant tenu à préciser, nonobstant ce menu précédent, qu’il s’agissait d’un « très bon journal (5) ».

Puis, bien sûr, Marlène Schiappa oublie que son plus proche voisin professionnel – Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur – a inséré dans son dernier livre, paru en février, une courte mais fort douteuse dissertation sur « les difficultés liées » selon lui « à la présence » en France, avant Napoléon, « de dizaines de milliers de Juifs » qui, toujours d’après lui, pour « certains d’entre eux, pratiquaient l’usure et faisaient naître troubles et réclamations ».

Mais il est vrai aussi que la mention de ces divers épisodes, dont l’addition dit évidemment une politique, aurait nui au message que souhaitait délivrer Madame Schiappa – car, même pour les virtuoses du boniment que sont les macronistes, il serait sans doute un peu difficile de prétendre qu’un gouvernement est « pleinement mobilisé contre l’antisémitisme » après avoir rappelé ses si sordides errements.

(1) Elle l’écrit avec une majuscule.

(2) Dont elle ne donne pas les noms, toutefois.

(3) Lesquels, précisément ? Ce n’est pas dit non plus.

(4) 2018, donc : suis un peu, s’il te plaît.

(5) Deux ans après ce vibrant hommage présidentiel, la même publication vient à nouveau d’être condamnée, cette fois pour injure raciste.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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