Thomas Annequin, le bras droit

Il savait tout. Supervisait la quasi totalité de l’équipe et impressionnait par sa carrure et sa posture ultraviolente. À 18 ans, il était le N°2 de l’OAS. Il a été condamné à 7 ans de prison ferme.

Nadia Sweeny  • 12 octobre 2021
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Thomas Annequin, le bras droit
© Photo : Thomas COEX / AFP

Pour la procureure antiterroriste, « c’est lui qui dirige, coordonne et encadre tous les chargés de mission et donc de facto, toutes les sections militantes ». Selon l’organisation pensée par Logan, Thomas Annequin, benjamin d’une fratrie de sept enfants, est commandant des actions locales. Il a alors 18 ans, une mère violente et un frère qui sombre dans la toxicomanie. Sa famille implose. Dans l’ultra droite, il se forge une réputation d’ultraviolent. « Il était extrêmement radical : il fêtait l’anniversaire d’Hitler qu’il appelait « tonton » et voulait tuer sa sœur parce qu’elle projetait de changer de sexe : il l’appelait la chose », se souvient une personne qui l’a connu à l’époque. Thomas se vante auprès de son groupe d’une agression pendant laquelle il aurait tapé si fort qu’il en avait mal aux phalanges. Qu’il y avait de sang partout. « Des mensonges pour impressionner : c’est commun de mentir dans le milieu nationaliste », dit-il aujourd’hui. Pour les psychologues, Thomas a un trouble du développement de la personnalité. En constante recherche de reconnaissance son développement affectif et intellectuel est immature. « Il suit pour panser ses carences affectives et tenter d’en extirper la douleur », notent les experts.

Devant le juge, celui qui dit avoir subis brimades et moqueries liés à son surpoids pendant son enfance, joue sur ce profil de « suiveur » que lui ont conféré les psychologues. « J’ai accepté un rôle qui m’a été attribué », dit-il. Pourtant, l’ancien responsable du Parti de la France pour la région Provence Alpes Côte d’Azur, est de tous les évènements : le 3 septembre 2016, lors d’une cérémonie d’allégeance organisée chez Romain P. – n°3 – en région parisienne, il reçoit de Logan le béret rouge dévolue au grade de commandant. Dans l’armée, c’est celui des parachutistes… Pour honorer son nouveau rôle, il remet à son tour deux bérets bleus – la couleur des chefs de sections – à Geoffrey H. et Baptiste C. Ce dernier, mineur à l’époque est très impressionné par Thomas Annequin : « il est capable de tuer, d’égorger quelqu’un » dit-il aux enquêteurs. Thomas est son supérieur hiérarchique. Il coordonne avec Logan, la ratonnade – baptême du feu – imposée à Anthony B. et Baptiste C. la nuit du 19 novembre 2016. Objectif : tester la détermination des recrues en leur ordonnant de s’en prendre à une personne de couleur, choisie au hasard.

Mais la justice le rattrape le 24 novembre 2016, Thomas Annequin est condamné pour des tags racistes : croix gammées, « mort aux chiens d’arabes » ainsi que « deus vult » – cri de guerre des croisés qu’il s’est fait tatouer sur le bras droit. Le tatouage a été dessiné par Logan : les deux jeunes hommes sont très proches. Sur Facebook, on retrouve leurs échanges de l’époque :

© Politis

Thomas effectue ses travaux d’intérêts généraux à la mairie de Forcalquier dont l’édile, Christophe Castaner, suscite une haine tenace chez le jeune néonazi. Son tort : avoir accueilli une famille syrienne. À plusieurs reprises le militant expose à d’autres, ses projets de tendre un guet-apens à M. Castaner. C’est surtout Bastien C. qu’il tente d’embarquer dans son projet. « Il connaissait ses trajets en voiture. Je devais traverser la route. Il se serait arrêté et il aurait tiré en voiture », témoigne la jeune recrue.

Il a aussi plein d’idées pour gagner de l’argent et notamment : détrousser les gens chez eux, en se faisant passer pour des policiers. Devant les juges celui qui compare leur projet d’attaque contre le chantier de la mosquée de Vitrolles à un « sabotage à la Greenpeace », se défend maladroitement : « Je me suis laissé glisser vers ça, je ne pensais pas que les mots pouvaient se concrétiser en actes… » Thomas baisse les yeux et charge son ancien ami. Pour son avocat, c’est l’amour qui l’a poussé dans les bras de l’extrême droite. D’abord pour Melchior, un jeune homme qui l’initie au milieu « natio », puis le met en contact avec Logan qui suscite ses nouvelles aspirations amoureuses contrariées. « Je n’arrivais pas à me positionner en tant que facho et homosexuel », dit-il aujourd’hui.

Mais Thomas a aussi une particularité : son frère, Fabien, détient légalement une quantité d’armes impressionnante. Des fusils d’assaut, des armes poing, des munitions… suffisamment pour faire des dégâts énormes. Jamais Thomas n’en volera un.

Arrêté en octobre 2017, il avait effacé les applications de communications cryptées, comme le lui avait demandé Logan. En 2019, la psychologue qui l’a reçu évoquait « une personnalité encore très fragile » et recommandait de le garder sous surveillance car il était susceptible « d’autres dérives ». Malgré son contrôle judiciaire, il commet un délit sans rapport avec l’affaire et est nouveau incarcéré pendant dix mois. Il était sorti de prison depuis avril 2020.

Lire le portrait suivant > Romain P., commandant des actions discrètes

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