Des histoires globales, pas un « roman national » !

Dirigé par l’historien Quentin Deluermoz, un ouvrage collectif tente de renouveler une discipline trop souvent instrumentalisée par les tenants d’une approche identitaire et stérile.

Olivier Doubre  • 12 janvier 2022 abonné·es
Des histoires globales, pas un « roman national » !
© JOHAN SWANEPOEL/SCIENCE PHOTO/JSW//AFP

Quoi de mieux qu’un livre sérieux d’historiens pour clouer le bec aux réactionnaires tentant d’imposer des relectures du passé erronées, depuis la glorification des ignobles « enfumades » de Bugeaud durant la conquête de l’Algérie aux allégations mensongères voulant faire croire que Pétain aurait « sauvé des Juifs sous l’Occupation » ? Et, plus largement, pour empêcher la mise en avant d’un présumé « roman national » ? Car la France a cette particularité de transformer son histoire en enjeu politique.

Aux prémices de la campagne présidentielle de 2017, la publication de l’Histoire mondiale de la France (Seuil), dirigée par l’historien et professeur au Collège de France Patrick Boucheron, avait été un grand succès de librairie. Mais il constituait surtout une réponse cinglante aux tentatives d’imposer ce fameux « roman national » puisant davantage dans la tradition pétainiste du « Travail, famille, patrie » que dans les acquis d’une école historique française. Une école admirée dans le monde entier, de Michelet à l’École des Annales de Marc Bloch et Fernand Braudel.

À l’heure où le candidat à la présidentielle Éric Zemmour, condamné à deux reprises pour « incitation à la haine raciale », débite ses réinterprétations de l’histoire aussi odieuses qu’erronées, ce livre, « projet collectif à plusieurs voix » coordonné par Quentin Deluermoz, secondé par quelques-uns des plus brillants historiens d’une génération montante, vient à point nommé revigorer un argumentaire qui ne devrait souffrir d’aucune contestation a priori.

Si l’ouvragede Patrick Boucheron couvrait une grande durée (de la préhistoire à nos jours), il se composait en réalité d’une juxtaposition de courtes notices – par dates. Ici, dans une périodisation bien plus resserrée (de 1750 à 1930), la France est abordée dans une acceptation et une insertion planétaires. L’Hexagone est ainsi analysé avec les multiples éclairages de l’extérieur, qui enrichissent son étude et son portrait.

En montrant ses « dynamiques transnationales », les « histoires globales » de cette France contemporaine prennent une profondeur et une dimension inséparables des évolutions de ses voisins européens, des territoires éloignés de son empire colonial et, surtout, des nombreux flux planétaires, qu’ils soient culturels, économiques ou sociaux.

D’ici et d’ailleurs s’inscrit ainsi parfaitement dans l’objectif de cette nouvelle collection des éditions La Découverte, intitulée justement « Histoire-monde ». Notre pays évolue, avec sa « variante française » propre, dans une histoire du monde, parallèlement à une certaine « anglobalisation » très marquée au XIXe siècle. L’ouvrage propose ainsi « l’hypothèse d’une franco-mondialisation », du local au global, tel un plaidoyer pour une histoire « transnationale ». Qui s’oppose par nature à l’imbécillité identitaire.

D’ici et d’ailleurs. Histoires globales de la France contemporaine Quentin Deluermoz (dir.), La Découverte, 344 pages, 23 euros.

Idées
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