Quand un département pousse des mineurs à la rue
À Digne-les-Bains, le département envoie à Marseille les jeunes étrangers non accompagnés qu’il considère comme majeurs. Non sans risques pour eux.
dans l’hebdo N° 1692 Acheter ce numéro

J e crois qu’à Digne on ne veut pas trop de Noirs qui traînent dans l’espace public. » La phrase est d’Alexandre*, ancien éducateur spécialisé de la commune. Il travaillait dans deux des trois structures d’accueil locales, chargées d’héberger en urgence et d’accompagner les étrangers se présentant comme mineurs non accompagnés (MNA). Comme d’autres éducateurs dans cette ville du sud-est de la France, il a régulièrement envoyé vers Marseille des jeunes que l’aide sociale à l’enfance (ASE) ne reconnaît pas comme mineurs.
« C’est une injonction de l’ASE. Deux ou trois fois par semaine, je mettais dans le bus des jeunes qui n’avaient plus le droit d’être accueillis dans les centres », détaille Alexandre. Pour les rassurer, il leur dit qu’à Marseille le tissu associatif est plus important. « Mais, en réalité, je savais qu’ils allaient certainement dormir à la rue. » Là-bas, il faut attendre un mois pour avoir un hébergement d’urgence.
Le procédé n’a rien d’ordinaire, mais il est connu et assumé. Le département, dont dépend l’ASE, n’a pas l’obligation de s’occuper d’un jeune que ses services ne reconnaissent pas comme mineur. Robin Prétot, le directeur de cabinet adjoint d’Éliane Barreille, l’élue Les Républicains à la tête du conseil départemental des Alpes-de-Haute-Provence, évoque une pratique « consensuelle », qui « ne souffre d’aucune idéologie partisane » puisqu’elle a étémise en place « par la majorité précédente (gauche) et poursuivie aujourd’hui par la nouvelle majorité (droite et centre) ».
Avec 695 jeunes mis à l’abri en 2021 pour une population de 165 702 habitants, le département dit faire « un effort significatif » pour permettre un accompagnement des jeunes qui se présentent. Pourquoi alors les diriger vers Marseille ? Ses services avancent que, pour ceux qu’ils n’estiment pas être majeurs, « le seul moyen de
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