Nupes : une rupture économique et écologique

C’est le seul programme à avoir été testé par la Banque de France et l’OFCE, générant une baisse relative de la dette publique.

Jérôme Gleizes  • 18 mai 2022
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Nupes : une rupture économique et écologique
© Jean-Michel Delage / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Par de nombreux aspects, le programme législatives de la Nupes ressemble à celui de rupture de 1981, particulièrement sur les questions sociales : augmentation des minimas sociaux, du Smic, blocage des prix des biens de première nécessité, retraite à 60 ans, socialisation de secteurs économiques essentiels (transport, énergie, biens communs…). Partant du programme de l’Avenir en commun de Jean-Luc Mélenchon, il a été amendé avec celui du Pôle écologiste, du PCF et du PS. Le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, certes en désaccord avec le fond, avait même jugé que Jean-Luc Mélenchon était « prêt à gouverner », sur France 2 en février. C’est le seul programme présidentiel à avoir été testé par les modèles économétriques de la Banque de France et de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), générant une baisse relative de la dette publique.

Par rapport à 1981, il évite certains écueils que les économistes de la régulation comme Robert Boyer ou Alain Lipietz avaient prévus, mais sans être écoutés, sur la contrainte extérieure, provoquant le tournant de la rigueur de 1983 et les dévaluations successives du franc. Une relance de la demande sans politique structurelle est toujours une impasse. Ce n’est plus le cas ici où, par exemple, concernant le nucléaire, le programme énergétique de LFI et du Pôle écologiste ont été classés comme les meilleurs par le pronucléaire Jean-Marc Jancovici. De nombreuses politiques sectorielles sont prévues pour relocaliser la production, assurer une réelle résilience des territoires.

La question européenne touche à un point crucial avec le débat sur la désobéissance. Nombre de mesures préconisées dans les différents programmes nécessitent des exceptions juridiques. Depuis la crise des subprimes, et plus encore celle du covid-19, nombre des règles européennes sont suspendues, notamment celles des 3 % de déficit budgétaire et de 60 % de dette publique par rapport au PIB. Depuis 2020, de nombreuses activités économiques ont été de facto socialisées avec le « quoi qu’il en coûte ». Comme souvent, nécessité fait loi. La guerre en Ukraine va suspendre encore plus longtemps le moment libéral européen imposé depuis plus de vingt ans. Sortir de la dépendance aux énergies fossiles n’est plus uniquement un sujet écologique, c’est aussi aujourd’hui un sujet géopolitique.

Pour autant, résoudre la crise écologique reste la priorité et le programme de la Nupes peut buter sur une contradiction interne, non perceptible par les modèles économétriques. L’estimation permet de générer une croissance importante permettant de boucler macro-économiquement le programme grâce à un effet multiplicateur keynésien classique. Mais cette croissance permet-elle un découplage, c’est-à-dire une réduction de l’émission de gaz à effet de serre ? Il faut modifier la nature de la croissance. Que celle-ci devienne moins matérielle. Gouverner à partir des besoins mais sans effet rebond, ce que l’humanité n’a encore jamais réussi à faire. Tel est le challenge.

Par Jérôme Gleizes Enseignant à Paris Sorbonne Nord.

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