La droite douce ?

Il y a cent ans, la droite et sa presse d’accompagnement alarmaient l’Europe contre la menace qui allait la précipiter dans la ruine : le bolchevisme, bien sûr.

Sébastien Fontenelle  • 15 juin 2022
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La droite douce ?
Des ouvriers français manifestent, en 1919, leur soutien à la révolution soviétique avec un couteau entre les dents.
© Leemage via AFP

Ce qu’il y a de bien, avec la droite et sa presse d’accompagnement (LDESPD’A), c’est qu’elles ne changent pas. La gauche non plus, d’ailleurs, sauf, bien sûr, lorsqu’elle passe au camp d’en face, auquel cas elle perd évidemment le droit d’user de cette plaisante appellation : c’est ce que n’a toujours pas compris, semble-t-il, le pauvre M. Valls, qui, après avoir – notamment – crié avec la réaction espagnole que la Catalogne était madrilène, et avec la française qu’il fallait « arrêter l’immigration », paraît surpris que les partisan·es de l’émancipation le vouent, des deux côtés des Pyrénées, aux mêmes gémonies.

Il y a cent ans, exactement, LDESPD’A alarmaient ainsi la France et l’Europe contre l’épouvantable menace qui allait les précipiter dans la ruine identitaire et financière : le bolchevisme, bien sûr – avec son poignard entre les dents et son interminable cortège de « métèques » collectivistes. Un siècle (et quelques fascismes) plus tard, la possibilité qu’une formation néoréformiste qui n’envisage nulle part d’en finir une bonne fois pour toutes avec l’horreur capitaliste (1) gagne aux législatives une large assise parlementaire provoque, aux mêmes endroits, les mêmes épouvantes, arrimées dans les mêmes phobies : le magazine Challenges en porte le témoignage, qui vient de confectionner une « couverture anti-Mélenchon (2) » d’où ressort, excusez du peu, que la Nupes au pouvoir creuserait un nouveau « déficit » de « 203 milliards » d’euros, qu’elle « déstabiliserait » l’Europe, qu’elle « menacerait » la (sacro-sainte) « croissance » (dont la protection passe plutôt par le versement quinquennal de 203 milliards d’euros aux cartels patronaux), et qu’elle nous livrerait, horresco referens, au « communautarisme » – qui définit comme chacun·e sait, dans les esprits droitiers, le postulat que les migrant·es et les musulman·es ont aussi droit à quelques… droits (3).

Et cela rappelle, évidemment, les libelles – et autres placards – démentiels qui, en 1919, enseignaient la nécessité de « voter contre le bolchevisme », ou qui prévenaient, en 1920, que « la France irait à la misère si elle laissait entrer » dans sa blanche cuisine « le bolchevisme qui sabote » le « travail » et le « capital », et qui, vingt-deux ans plus tard, conjuraient encore l’« Europe » de faire « attention à la “peinture” rouge ».

Pourtant, parmi les actuel·les contempteurs et contemptrices de la Nupes, personne n’a encore lancé d’appel à la constitution d’une légion des volontaires français contre le rétablissement de la retraite à 60 ans : se pourrait-il que, finalement, LDESPD’A aient appris, en cent ans, à mieux se contenir ?

(1) Sur ce sujet, on lira avec beaucoup de profit l’éditorial (délicieux) du dernier numéro (exquis) d’Alternative libertaire, qui nous invite fort sagement à « nous appuyer sur la politisation positive que ce néoréformisme peut entraîner, tout en prévenant contre les illusions qu’il véhicule », car : « Prétendre créer une société écologique et sociale sans rompre avec le capitalisme ? C’est impossible. »

(2) Libération, 10 juin 2022.

(3) Si tu veux d’autres phrases un peu longues, écris-moi : j’en ai en réserve.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

Temps de lecture : 3 minutes
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