Zirka ! : La piste aux étoiles d’Ukraine

À l’initiative d’Anjou Théâtre, onze artistes ukrainiens créent un spectacle de « cirque solidaire ». Ils y portent un message de paix, tout en rappelant l’horreur de la guerre.

Anaïs Heluin  • 8 juin 2022 abonné·es
Zirka ! : La piste aux étoiles d’Ukraine
© Vyacheslav Iroshnikov

Autour du chapiteau installé à Terra Botanica, le parc du végétal à Angers, une certaine agitation est manifeste parmi les personnes présentes au moment de notre visite, le matin du 30 mai. Une petite fille court vers nous, tandis que sa mère en tient deux autres par la main. Un peu plus loin, arrive une grand-mère qui se met à discuter avec un jeune homme. Si l’on veut les comprendre, il faut la compétence de la traductrice employée par l’établissement public de coopération culturelle Anjou Théâtre pour la création du spectacle de cirque zirka ! – « étoile », en ukrainien –, dont nous assistons aux préparatifs. Sous la toile, l’agitation est plus spectaculaire. Rassemblant onze artistes ukrainiens, la pièce a vu le jour à Angers au moment où vous nous lisez : du 1er au 5 juin, soit trois semaines à peine après les premières répétitions. Les circassiens prendront ensuite la route en juillet, pour une tournée organisée en un temps record, toujours par l’équipe d’Anjou Théâtre.

Si Frédéric Couturier, directeur d’Anjou Théâtre, a choisi le cirque afin de «rappeler que la guerre détruit des hommes tout près de chez nous, par peur qu’on l’oublie ou que l’on s’y habitue», c’est en repensant à sa collaboration passée avec un jongleur ukrainien, Alexander Koblykov, installé depuis plusieurs années à Angers. En mars dernier, il lui confie, ainsi qu’à sa compagne, Charlotte de la Bretèque, acrobate aérienne, la mission de rassembler des circassiens ukrainiens dans le but de créer un spectacle. «Au début, confiele jongleur_, je ne voyais pas comment j’allais y parvenir. Ces artistes tournent beaucoup à l’international, et je ne savais pas où étaient les uns et les autres. J’ai commencé mes recherches en Allemagne, où beaucoup d’entre eux travaillent dans des cabarets. L’information s’est très vite répandue, et j’ai eu un très grand nombre de propositions_. »

Le choix fut difficile. Il a reposé sur des critères humains autant qu’artistiques. «Certains étaient dans une situation très compliquée. Qu’ils contribuent à zirka ! était une manière de leur permettre de retrouver une forme de stabilité. » La démarche d’Anjou Théâtre, soutenu en cela par le département du Maine-et-Loire, dont Frédéric Couturier est aussi le directeur du service culture et patrimoine, va au-delà de la création. La structure loge les artistes et leurs familles – plusieurs sont venus avec enfants et/ou parents –, et les accompagne dans leurs démarches administratives. Grâce aux heures réalisées avec zirka !, tous devraient bénéficier du régime d’intermittent à la fin de l’année.

Zirka ! est aussi l’occasion de découvrir une culture du cirque assez méconnue en France. Le morceau de répétition auquel nous assistons nous en donne une idée : bien que partageant la même piste, les dix circassiens – Alexander Koblykov a aussi fait venir une plasticienne, Viktoriia Biletska – y évoluent pour la plupart en solitaire. Irina Sorokolietova jongle par exemple avec un chapeau, une balle et une canne comme elle le fait depuis sa sortie, il y a plusieurs années, de la très réputée école du cirque de Kyiv (Kyiv Municipal Academy of Circus and Performing Arts), la principale formation en Ukraine aux arts du cirque. Tous issus de cette école, les autres artistes de zirka ! reprennent eux aussi leur même numéro. «Le cirque en Ukraine est très différent de celui que je découvre ici en France. Formés à la réalisation d’un numéro que nous travaillons ensuite pendant des années, et avec lequel nous nous produisons à l’international dans des cirques ou des cabarets, nous n’avons pas l’habitude de créer à plusieurs», explique la contorsionniste Anastasia Mazur.

Dirigés par Gérard Fasoli, ancien directeur du Centre national des arts du cirque de Châlons-en-Champagne, les interprètes de zirka ! s’expriment individuellement tout en faisant exister leur groupe. Car, dit l’équilibriste Bob Gvozdetsky, «nous voulons que ce spectacle rappelle que nous sommes tous connectés, que ce qui se passe en Ukraine concerne la France, et inversement».

Zirka !, 3-5 juillet, Saumur (34) ; 12-24 juillet, Saint-Gilles-Croix-de-Vie (85) ; en septembre au Cube Cirque à Boulazac (24), à La Balise, Saint-Hilaire-de-Riez (85), au May-sur-Èvre (49) ; 6-7 octobre à la Villette à Paris (75).

Culture
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