Avignon off : le jongleur Martin Palisse cisèle l’épure

Dans Time to Tell, le jongleur poursuit sa quête du temps et évoque sa maladie.

Anaïs Heluin  • 13 juillet 2022 abonné·es
Avignon off : le jongleur Martin Palisse cisèle l’épure
© Christophe Raynaud De Lage

Dans les spectacles de son Cirque Bang Bang, fondé en 2002, Martin Palisse développe un jonglage minimaliste, où la géométrie des figures est souvent accompagnée par celle de la musique. Depuis Slow futur (2015), qu’il interprétait sur un tapis roulant avec Elsa Guérin, il collabore presque toujours avec le groupe Zombie Zombie, dont l’électro nourrie par des vinyles méconnus accompagne une recherche axée sur le temps, pleine d’une urgence dont l’origine et même l’objet restent toujours mystérieux. En revendiquant son appartenance au courant de l’art abstrait et cinétique, Martin Palisse disait son refus de faire du jonglage le moyen de délivrer un message. Sa nouvelle création, Time to Tell, a de quoi surprendre au premier abord. Pour ensuite figurer comme une évidence.

Pas l’ombre ni le son d’un Zombie Zombie dans cette pièce présentée dans le Off du Festival d’Avignon, après avoir été jouée notamment au Sirque – Pôle national cirque de Nexon, que dirige Martin Palisse. Beaucoup de mots en revanche, prononcés tantôt en direct tantôt en voix off par l’artiste qui a fondé son jonglage sur un univers mathématique. Le monologue, qu’il déploie sur un plateau beaucoup plus simple qu’à son habitude – un simple couloir entouré de néons, au bout duquel trône un tourne-disque qu’il active lui-même –, rompt d’emblée avec le caractère rude, impersonnel de la plupart de ses spectacles. «J’ai appris à jongler à l’âge de 16 ans et demi, 17 ans. Ça a été… Ça a été une découverte : comme un nouveau départ dans la vie. J’étais vraiment… en plus… J’étais à cet âge-là… » introduit-il.

D’abord pleine de trous, de ceux qui se creusent à force de silence, la parole de Time to Tell se consolide peu à peu. Orienté par le metteur en scène, David Gauchard, le monologue clairement autobiographique aborde bientôt un sujet que l’artiste dit lui-même n’évoquer que très peu dans sa vie privée : sa maladie, la mucoviscidose. Loin de l’évoquer comme une tragédie, il décrit cette pathologie avec laquelle il vit depuis toujours comme «la contingence des choses. La contingence, c’est ce qui aurait pu ne pas être. C’est l’inverse de ce qui est nécessaire […]_. C’est comme les balles que je vais faire tomber dans ce spectacle»_. L’art et la vie, fragile, se livrent à un tête-à-tête sans concession ni afféterie. Dans le récit, Martin Palisse retrouve ainsi la ligne droite, l’épure qu’il défend depuis ses débuts. Sa recherche sur le temps, qui presse et oppresse, fait avec Time to Tell une grande avancée.

Time to Tell, jusqu’au 24 juillet à 11 h 55, Théâtre de la Manufacture, la Patinoire, lamanufacture.org

Théâtre
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