« Souvent, les hommes n’ont pas appris à vivre autrement que par la domination »

Intervenante en sociologie clinique, Isabelle Seret analyse la nature des violences commises au sein de la famille et propose des approches pour amener leur auteurs à y renoncer.

Hugo Boursier  • 28 septembre 2022 abonné·es
« Souvent, les hommes n’ont pas appris à vivre autrement que par la domination »
© Manifestation contre les violences faites aux femmes organisée par le mouvement MeTooPolitique, en novembre 2021. (Photo : Jacopo Landi / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP.)

La mise en retrait d’Adrien Quatennens du poste de coordinateur de La France insoumise et la démission de Julien Bayou de celui de secrétaire national d’Europe Écologie-Les Verts ont suscité de vifs débats sur ce qu’était un acte violent au sein d’un couple.

Malgré la connaissance imprécise des faits qui sont reprochés aux deux députés, les commentaires ont fusé sur la nature des gestes décrits par le député du Nord, sur la manière dont ils auraient pu être évités ou sur les différences de comportement entre le compagnon politique et le compagnon de vie. Laissant éclater, une nouvelle fois, les difficultés à traiter cette violence afin qu’elle ne se reproduise plus. C’est l’une des facettes du métier d’Isabelle Seret, victimologue et intervenante en sociologie clinique.

Dans Chez moi vit la violence (éd. La Manufacture de livres, 2022), elle raconte l’accompagnement de ces hommes qui ont harcelé, frappé ou violé leur femme. Elle découvre avec eux leur histoire mais, surtout, leur manière d’en parler. Son but ? Qu’ils prennent conscience de leurs gestes et parviennent à changer d’eux-mêmes.

Pourquoi est-ce si difficile d’admettre que l’on est auteur de violences intrafamiliales ?

Isabelle Seret : J’ai essayé d’aborder cette question dans les ateliers où je suis intervenue. Les hommes que je suivais et qui ont tous été condamnés pour des faits de violence devaient définir ce qu’était un acte violent. Au départ, ils évoquaient des banalités. Puis ils ont parlé des coups, des injures ou des actes sexuels non consentis.

On a replacé ces comportements dans ce qui était interdit ou autorisé, et les niveaux intermédiaires entre ces extrêmes. Je leur ai ensuite demandé ce que signifiait pour eux le fait d’être « auteur ». L’un des hommes présents m’a répondu qu’il préférait être considéré comme « acteur » de violences, parce qu’il n’était pas « que ça ». On me disait : « On n’est pas né “auteur” de violences. Il faut voir les conditions dans lesquelles on est “devenu auteur”. » Derrière cette affirmation, on peut voir des formes de justification.

Il faut que ces hommes prennent conscience des déterminismes dans lesquels ils ont grandi.

Certes, il faut explorer les conditions sociales d’existence, les formes d’isolement que ces personnes ont pu traverser. Mais cela n’excuse pas les actes.

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Société
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