Une chronologie macroniste

Le traitement de l’affaire de l’imam Iquioussen par Gérald Darmanin en dit long sur l’actuel régime politique.

Sébastien Fontenelle  • 5 septembre 2022
Partager :
Une chronologie macroniste
© Gérald Darmanin, lors du conférence de presse le 30 août 2022, suite à la décision du Conseil d'État concernant Hassan Iquioussen. (Photo : XOSE BOUZAS / HANS LUCAS / HANS LUCAS VIA AFP.)

Certaines chronologies peuvent parfois être éclairantes par elles-mêmes – et sans qu’il soit donc besoin de leur ajouter le moindre commentaire –, pour ce qu’elles disent d’un régime politique et de ses agent·es. En voici une, par exemple.

En octobre 2012, Gérald Darmanin, alors député (UMP) du Nord, tweete (graphie d’origine) : « #mariage homosexuel et #adoption par les homosexuels, faut-il tout accepter sous prétexte que “la société évolue” ? »

En juin 2013, Gérald Darmanin, qui brigue la mairie de cette ville, tweete (graphie d’origine) : « Si je suis élu maire de Tourcoing, je ne célébrerai pas personnellement de mariages entre 2 hommes et 2 femmes. »

Continuons. En 2014, comme l’a récemment révélé Mediapart, Gérald Darmanin, toujours candidat à la mairie de cette ville, dîne à Tourcoing avec le prêcheur Hassan Iquioussen et quelques autres « personnalités de la communauté musulmane locale ». Comme le rappelle le site d’information, « certaines affaires » impliquant ce prédicateur ont, à ce moment-là, « déjà fait les gros titres de la presse nationale » – par exemple « ses propos » lors d’une « conférence antisémite » décrivant « les juifs comme “ingrats”, “avares”, “vivant entre eux dans des ghettos” ». Mais le futur maire de Tourcoing compte, semble-t-il, sur ce commensal pour lui gagner quelques voix musulmanes.

Parole d’expert…

En 2021, les Éditions de l’Observatoire publient un livre de M. Darmanin, devenu entre-temps ministre de l’Intérieur d’Emmanuel Macron, dans lequel se trouvent ces deux phrases, passées d’abord inaperçues : « Napoléon […] s’intéressa à régler les difficultés touchant à la présence en France de dizaines de milliers de juifs. Certains d’entre eux pratiquaient l’usure et faisaient naître troubles et réclamations. »

Après que la sociologue Noémie Emmanuel a découvert ces allégations – dont elle livrera, avec la journaliste Sarah Benichou, une minutieuse et passionnante exégèse (1) –, l’historien Pierre Birnbaum corrige dans une chronique publiée sur Arrêt sur images en mars 2021 : « Les mesures napoléoniennes mettent un terme, de manière scandaleuse, à l’émancipation des juifs sous la Révolution. […] Et si certains juifs pratiquaient sans doute l’usure, ils étaient loin d’être les seuls, ne serait-ce que statistiquement : pas plus de 30 000 juifs en France, à l’époque. Il y avait bien davantage d’usuriers non juifs. »

À l’été 2022, enfin, Gérald Darmanin demande, comme on sait, que l’imam Iquioussen soit expulsé du territoire français, car il a notamment tenu « des propos antisémites » et « homophobes » : ces proférations sont « contraires aux valeurs de la République », explique alors le ministre. Parole d’expert…


(1) « Napoléon, Darmanin et la grammaire antisémite », Noémie Emmanuel et Sarah Benichou, Les Mots sont importants, 29 août 2022.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

Temps de lecture : 2 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don