Fumer, c’est de droite

La meilleure méthode pour arrêter la cigarette ? Lire Pourquoi fumer, c’est de droite d’Olivier Milleron, avec l’industrie du tabac comme « métaphore du capitalisme ». Radical.

Sébastien Fontenelle  • 5 octobre 2022
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Fumer, c’est de droite
© Photo : Xose Bouzas / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP.

Comme tu le sais si tu lis depuis quelque temps cette chronique, où j’ai déjà plusieurs fois évoqué cet amusant élément autobiographique : j’arrête de fumer. Est-ce que ça se passe bien ? Tout dépend de ce qu’on entend par là.

Si je décide de regarder plutôt le bon côté du truc – histoire de ne pas me laisser complètement abattre dans une période qui, par ailleurs, ne nous apporte, peut-être l’auras-tu noté, qu’assez peu de franches marrades –, je constate que ça fait maintenant pas mal d’ans que je me colle tous les jours un nouveau patch et que, dans l’ensemble, ça se passe plutôt bien, merci. (Sauf, bien sûr, quand j’essaie de réduire le dosage du patch, mais je te raconterai ça une autre fois : le seul fait d’en parler me donne envie de fumer une clope de 147 mètres de long.)

Maintenant, si je me confronte plutôt à la réalité crue, je suis bien forcé d’admettre qu’après toutes ces années il arrivait encore, jusqu’à ces derniers jours, que, dans les moments de grand stress – genre quand je tombe sur un dessin de Plantu –, j’arrache ledit patch et coure à petites mais sûres foulées (parce qu’avec tout ça j’ai quand même récupéré pas mal de souffle) m’acheter une cigarette que je fumais compulsivement.

Et là, bien sûr, je me disais que ça faisait quand même un bien fou et que, du coup, pourquoi ne pas en fumer une deuxième, puis une cinquième, hmmm ? Et juste après je réalisais qu’il faut vraiment être un triste cnnrd pour craquer si près du but – alors que dans même pas trente ans j’arriverai enfin à me passer aussi d’un patch – et je jetais le paquet de P****** M***** plein de photos dégueulasses de victimes du tabac que je venais d’acquérir à prix d’or, et dont j’avais donc eu, tout de même, le temps de noter qu’il avait trèèès sensiblement augmenté depuis la fois d’avant.

Par « la conquête meurtrière de l’Amérique, l’esclavage, la traite et le commerce triangulaire », l’industrie du tabac est « vraiment une métaphore du capitalisme ».

Pour le dire simplement, le résultat était donc assez mitigé, et la lecture attentive des méthodes-infaillibles-pour-arrêter-de-fumer-à-jamais-en-restant-complètement-zen qui se publient toutes les 72 heures environ ne m’aidait guère.

© Politis

Sauf que je viens de lire le livre épatant d’Olivier Milleron, « cardiologue hospitalier, militant du service public et ancien fumeur (1) ». Qui ne nous redit pas pour la millième fois que fumer abîme nos dents et nos poumons, mais qui pose très simplement cette évidence : « L’industrie du tabac », construite dans « la conquête meurtrière de l’Amérique, l’esclavage, la traite et le commerce triangulaire », est « vraiment une métaphore du capitalisme ».

C’est en effet « une production déconnectée des besoins humains », caractérisée par « la manipulation des consommateurs grâce à l’utilisation des moyens de communication modernes », par « la recherche de profits quelles qu’en soient les conséquences » et par « une accumulation faramineuse de capital permettant une influence qui met en danger la démocratie ».

Fumer, résume Olivier Milleron, « c’est de droite » : très peu pour moi. Où sont mes patchs ?


(1) Pourquoi fumer c’est de droite, Olivier Milleron, éd. Textuel, 156 pages, 16,90 euros.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

Temps de lecture : 3 minutes
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