« World of Blue » de Spain : volutes bleutées

Mené par le guitariste/bassiste et chanteur Josh Haden, fils du grand contrebassiste Charlie Haden (protagoniste éminent du jazz moderne nord-américain), le groupe californien Spain a effectué une apparition éblouissante sur la scène musicale internationale en 1995 avec son premier album, The Blue Moods of Spain.

Contenant neuf morceaux – la plupart au-dessus de la barre des cinq minutes – majestueux et capiteux, dans lesquels chaque note (bleue) paraît compter, l’album exhale un rock intimiste tout de lenteur vaporeuse, comme en apesanteur, dans l’orbite du jazz et du blues. Par la suite, le groupe – mis en pause au début des années 2000 puis réactivé par Josh Haden aux abords de 2010, avec une nouvelle formation – a fait paraître plusieurs autres albums, souvent un peu trop policés, le dernier en date étant Mandala Brush (2018).

Identité déjà affirmée

Jusqu’à présent, aucun n’a atteint (ni même approché) l’état de grâce du grand cru initial, toujours aussi enivrant près de trente ans après sa sortie. Une rasade millésimée supplémentaire nous est aujourd’hui offerte par le biais de World of Blue, mini-album qui rassemble cinq morceaux provenant de sessions réalisées en février 1994 aux Poop Alley Studios, à Los Angeles.

Ce sont les tout premiers enregistrements de Spain, donnant à entendre un groupe à l’identité déjà très affirmée. Quatre des morceaux se trouvent, dans des versions différentes, sur The Blue Moods of Spain. « I Lied » et « Her Used-To-Been » avaient fait l’objet d’un 45-tours sorti en 1994, les trois autres n’avaient encore jamais été édités sous cette forme. Le plus marquant est sans conteste « World of Blue », morceau phare du premier album, ici épuré à l’extrême, magnifié au final par les zébrures déchirantes de la violoniste Petra Haden – l’une des trois sœurs de Josh.