À la Roya, de l’accueil à la cueillette

En janvier sortira le livre de Cédric Herrou, Une terre commune, racontant une « utopie capable de résister », celle d’une communauté composée de réfugiés et de demandeurs d’asile installée dans une maison de Breil. Le photojournaliste Louis Witter est allé à sa rencontre.

Louis Witter  • 14 décembre 2022 abonné·es
À la Roya, de l’accueil à la cueillette
Mamadou est sénégalais, c’est le dernier arrivé dans la Communauté d’Emmaüs Roya. Comme la règle le veut, les compagnons et compagnes se forment les uns les autres. Ce jour-là, c’est Bakari qui est chargé de lui montrer les bons gestes.
© Louis Witter

À paraître le 6 janvier 2023 : Cédric Herrou, Une terre commune, Seuil, 72 pages, 4,50 euros.

Ici, c’est le « CCH », le « Camping Cédric Herrou ». Entre 2015 et 2017, l’agriculteur y a hébergé des centaines d’exilés, perdus entre l’Italie et la France. Petit à petit, les gardes à vue s’enchaînent et « les gendarmes établissent domicile un peu partout autour de la ferme » pour observer les allées et venues. Cédric s’en souvient : « Il nous suffisait de siffler un peu fort et, en trois secondes, les spots d’éclairage des gendarmes pointaient dans notre direction. »

En 2017, l’agriculteur est poursuivi pour « aide au séjour d’étrangers en situation irrégulière ». Les procès s’enchaînent. Lors d’une audience à Nice en 2017, il dit aux juges : « Je le fais parce qu’il faut le faire. » Le paysan assume, le préfet enrage. Finalement, il est relaxé des charges qui pesaient contre lui à l’issue de trois procès et d’une saisine du Conseil constitutionnel, en mars 2021. Le « principe de fraternité » était enfin reconnu. 

Sur le même sujet : Cédric Herrou : « Je n’ai rien fait d’extraordinaire, je suis juste une tête brûlée »

Aujourd’hui, l’homme dont l’action avait été extrêmement médiatisée n’a pas changé, toujours en colère contre une situation qui perdure à la frontière franco-italienne. Mais de l’urgence, il est passé au long terme. Neuf adultes et quatre enfants habitent désormais « aux Tuileries », une maison du centre de Breil, achetée par Emmaüs Roya et retapée ces derniers mois. La communauté, composée de demandeurs d’asile et de réfugiés, travaille la terre. De la récolte des olives à la vente en direct des légumes de la ferme, regard sur une frontière accueillante, avec les photos de Louis Witter, parti à leur rencontre.

Neuf adultes et quatre enfants habitent désormais « aux Tuileries », une maison du centre de Breil, achetée par Emmaüs Roya et retapée ces derniers mois.
Marion, Idrissa et Bakari descendent les olives sélectionnées au sous-sol, pour les plonger dans la saumure et les faire maturer. 
Aux Tuileries, Fanta trie les olives avant de les stocker au sous-sol.
Cédric et Marion s’accordent une sieste avant de reprendre le travail, malgré le bruit occasionné à proximité par les travaux de réhabilitation des bords de Roya, détruits par la tempête Alex. Cette tempête avait fait dix morts et huit disparus dans les vallées de la Roya, de la Vésubie et de la Tiné, en 2019. 
Yann et Margaux font réviser la lecture à Djamila, l’une des jeunes résidentes des Tuileries.
Yann et Margaux font réviser la lecture à Djamila, l’une des jeunes résidentes des Tuileries.
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Société
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