Michel Cloup : chaos debout

Verbe haut, poings fermés et cœur serré, le nouvel album de Michel Cloup, « Backflip au dessus du chaos » secoue autant qu’il émeut.

Guillaume Deleurence  • 14 décembre 2022 abonné·es
Michel Cloup : chaos debout
Avec ce nouveau disque, le Toulousain voulait « retrouver le goût de l’expérimentation ».  
© Billie Cloup

Backflip au-dessus du chaos / Michel Cloup / Ici d’ailleurs… En tournée en France fin 2022 / début 2023 ; www.michelcloup.com

Album après album, Michel Cloup trace son sillon bien à lui dans le ­paysage du rock français, en musicien indépendant et soucieux de le rester, faisant vivre une certaine idée de la musique, la sienne : des disques sombres où percent quelques lumières, souvent âpres, parfois doux, malaxant aussi bien les coups de colère contre l’époque que les coups de cafard intimes, sur la ligne de crête entre fractures collectives et fêlures personnelles.

Michel Cloup est une voix qui importe, toujours à hauteur humaine. Le Toulousain se définit lui-même comme un « ouvrier du spectacle ». Il nous livre depuis une trentaine d’années une foisonnante matière sonore à travers divers projets : de Diabologum, son groupe le plus connu, en passant par Expérience, Lucie Vacarme et ses quatre albums sous son nom, jusqu’au récent À la ligne. Chansons d’usine en 2020, adaptation du livre de Joseph Ponthus, en collaboration avec son compère Julien Rufié et Pascal Bouaziz, du groupe Mendelson.

« Lâcher la bride »

Backflip au-dessus du chaos porte bien son nom : c’est un saut acrobatique artistique et existentiel pour le musicien, qui a composé et enregistré seul ces trois dernières années la quasi-totalité de cet opus : « Je voulais retrouver une certaine naïveté. Et lâcher la bride, retrouver le goût de l’expérimentation (1). » Comme du temps de Diabologum, auquel le premier titre, « En attendant demain », fait un clin d’œil avec ce « Quand j’ai ouvert les yeux… », qui ouvrait #3, le plus célèbre album du groupe (1996).

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Interview à L’Humanité, novembre 2022.

Michel Cloup, toutes guitares et boucles sonores dehors, agrippé à ses textes acérés, dégomme aussi bien « l’enfer réactionnaire » des temps présents sur « Mon ambulance » que celui des « applications utilitaires » sur « Introspection » ou encore le (vieux) monde des mâles blancs sur « Brûle brûle brûle ».

Des chansons, mâchoire et poings serrés, qui font de la place à deux longs titres hypnotiques, « Lâcher prise » et « Vieillir », aux allures d’improvisations, ainsi qu’à des compositions plus mélodiques comme « Résurrection » ou bien « Dix ans » et « Ciao bye-bye », deux morceaux écrits en mémoire de disparus, sa mère et Joseph Ponthus.

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À ce dernier, qui avait écrit l’enfer du travail à la chaîne, il promet que la lutte continue. « Il y aura toujours une suite ailleurs. Il y aura toujours quelqu’un qui balancera un pavé. L’histoire est ainsi faite. » Comme pour s’en convaincre, ce Backflip se clôt par « L’Internationale 2022 », réinterprétation réussie du texte d’Eugène Pottier. « C’est la plus grande chanson rock (2). » Avec ce disque, le rock de Michel Cloup, lui, se tient debout face au chaos, général ou intime. « En attendant demain pour recommencer », comme il le chante.

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Ibid.

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Musique
Temps de lecture : 3 minutes