Aide à l’Ukraine : stop ou encore ?

Les vains appels à cesser tout de suite la guerre en Ukraine trompent les naïfs et plaisent aux fourbes. Pour imposer la paix, on ne peut qu’abandonner Zelensky. Contre Poutine, on ne peut rien, sauf la guerre.

Denis Sieffert  • 8 février 2023
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Aide à l’Ukraine : stop ou encore ?
© Alice Kotlyarenko / Unsplash.

Faut-il encore intensifier notre aide à l’Ukraine ? Avons-nous le choix alors que le rapport de force sur le terrain semble de nouveau tourner en faveur des Russes ? Pacifistes contrariés, nous voilà réduits à mesurer les qualités respectives du char allemand Leopard, de son concurrent américain Abrams, et de notre Leclerc, trop sophistiqué, nous dit-on, pour servir. Stop ou encore ? L’interrogation est démocratiquement légitime.

Mais il ne faudrait pas que la demande de débat soit le faux nez de ceux qui, au fond d’eux-mêmes, souhaitent que l’on abandonne les Ukrainiens à leur sort. Les uns, par crainte que nous nous laissions entraîner dans une internationalisation du conflit. Les autres, parce qu’ils veulent la victoire de Poutine, et habillent leur inavouable sentiment d’un pacifisme de pacotille.

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Les vains appels à cesser tout de suite la guerre trompent les naïfs et plaisent aux fourbes. On les trouve surtout à l’extrême droite. Il y a, de ce côté, une tradition historique à vouloir l’armistice quand la situation est favorable à l’envahisseur.

Quant à souhaiter sincèrement une négociation et un cessez-le-feu, « à condition qu’en attendant, on continue d’aider l’Ukraine », c’est l’opinion majoritaire en France (à 70 %), selon le dernier sondage Ifop sur la question qui date du 21 décembre. C’est aussi la mienne. Mais ce vœu, à moitié pieux, se heurte à un gros obstacle : les Ukrainiens ne veulent pas entendre parler de négociation tant que les troupes russes occupent leur territoire.

Ce serait encourager Poutine à poursuivre, après la Tchétchénie et la Syrie, sa stratégie de conquête. Une prime à la canaille, en quelque sorte, la victoire des assassins et des violeurs. Un triomphe international de l’extrême droite. Car c’est cela, Poutine.

Négocier serait une prime à la canaille, la victoire des assassins et des violeurs. Un triomphe international de l’extrême droite.

Dans le débat qui, faute de se mener au Parlement, se mène par tribunes de presse interposées, on aperçoit beaucoup d’hypocrisie et pas mal d’embarras. Hypocrisie, du côté de l’ancien secrétaire d’État sarkozyste, Pierre Lellouche (Le Monde du 21 janvier), lequel vante les vertus de la négociation, sur la base d’un « retour aux frontières du 23 février 2022 ». C’est l’ardoise magique. Comme si Poutine et Zelensky étaient d’accord, l’un pour renoncer au Donbass, l’autre à la Crimée. Diantre, pourquoi n’y avoir pas pensé plus tôt !

À gauche, c’est l’embarras. À LFI, on a choisi la discrétion. On s’abstient à l’Assemblée, et on se tait à l’extérieur. Sauf à dénoncer Poutine, le « malhabile » qui sert à son insu les intérêts de l’Otan. L’embarras est plus explicite dans une contribution de Fabien Roussel (JDD du 5 février). Le secrétaire national du PCF est pour « notre soutien militaire » à l’Ukraine, mais pas pour « l’escalade guerrière ». Allez expliquer la nuance aux Ukrainiens qui font face, dans les tranchées, à l’armée de Poutine et à la milice Wagner.

Fabien Roussel plaide pour une « solution diplomatique la plus rapide possible », mais « dans le respect des droits nationaux inaliénables du peuple ukrainien ». On ne saurait aller contre. Mais c’est précisément ce que Poutine ne veut pas. Pour imposer la paix, on ne peut qu’abandonner Zelensky. Contre Poutine, on ne peut rien, sauf la guerre. L’alternative est binaire. Après tout, on peut décider démocratiquement que cette guerre n’est pas la nôtre.

Et puis, il y a ceux qui épousent sans vergogne l’argumentaire de Poutine, comme Arno Klarsfeld dans Valeurs actuelles. Comme le président russe, il instrumentalise grossièrement l’histoire. Il y a, dit-il, à Kiev, une perspective Stepan-Bandera, du nom de ce fasciste ukrainien qui massacra des juifs, mais dont l’ultranationalisme l’expédia aussi en camp de concentration quand sa soif d’indépendance le mit face à l’Allemagne nazie.

Pour imposer la paix, on ne peut qu’abandonner Zelensky. Contre Poutine, on ne peut rien, sauf la guerre.

Le syllogisme est tout prêt à servir : les Ukrainiens ont de vilains restes de nazisme. Quant au social-démocrate Olaf Scholtz et la Verte Annalena Baerbock, ce sont les enfants naturels du IIIe Reich. Leurs chars Leopard sont la réplique des Panzerdivisions.

Convoquer l’histoire pour justifier les massacres d’aujourd’hui, c’est exactement ce que fait Poutine, que l’on a vu, le 1er février à Volgograd (l’ancienne Stalingrad), devant une stèle toute neuve de Staline. L’avenir est en marche ! Reste un fragile espoir : que les sanctions finissent par faire leur effet. C’est ce que croit l’économiste russe Vladimir Milov (Libé du 6 février). Il nous invite à la patience. Mais que veut dire « patience » pour les Ukrainiens ?

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