Le capital avant le travail

Selon l’argumentaire macronien et de la Commission européenne, les retraites contribuent aux déficits publics. Alors que ce sont surtout les baisses d’impôts et les aides aux entreprises qui sont à mettre en cause.

Dominique Plihon  • 15 février 2023
Partager :
Le capital avant le travail
Manifestation à Paris contre la réforme des retraites, le 11 février 2023.
© Lily Chavance

L’objectif de la réforme des retraites qu’Emmanuel Macron veut imposer est purement financier : maintenir les dépenses de retraites à leur niveau actuel, en dessous de 14 % du PIB. Ce qui entraînera, en raison du vieillissement de la population, une baisse du niveau moyen des pensions par rapport à l’ensemble des revenus d’activité. En d’autres termes, comme le remarque le Conseil d’orientation des retraites, le niveau de vie des retraités diminuera par rapport à l’ensemble de la population.

Sur le même sujet : Retraites : prendre deux ans de plus ?

L’argumentaire néolibéral du pouvoir macronien et de la Commission européenne est que les retraites ont un poids excessif et contribuent aux déficits publics qu’il convient de réduire à tout prix. Or, si l’on analyse de près l’évolution des comptes publics, on voit que les causes principales des déficits sont ailleurs.

Leur augmentation, ces dernières années, provient d’abord de l’érosion des recettes publiques, dont le poids en pourcentage du PIB n’a cessé de diminuer. Ainsi, de 2007 à 2021, les recettes fiscales de l’État sont passées de 14,2 % à 12,2 % du PIB (1).

1

« Un capitalisme sous perfusion », CGT et université de Lille, mai 2022.

Cette érosion est due aux baisses d’impôts et de cotisations sociales, principalement en faveur des entreprises et des ménages les plus riches. Cette politique anti-impôts s’est accélérée pendant l’ère Macron, notamment avec la suppression de l’ISF et des impôts de production sur les entreprises.

Mais il faut aller plus loin dans l’analyse des comptes publics. Contrairement au discours officiel, largement repris dans les médias, les retraites sont loin d’être le poste des dépenses publiques dont la progression est la plus forte. Ce record est détenu par les aides publiques aux entreprises (APE), dont la croissance a été de 5 % par an en termes réels (hors inflation) entre 2007 et 2021, soit 2,5 fois plus que les dépenses de retraite.

Or les APE – subventions publiques, crédits d’impôt et baisses de cotisations sociales patronales – posent un double problème. D’une part, il est reconnu qu’elles sont peu efficaces (2). Ainsi en est-il des baisses de cotisations sociales permises par le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), qui a été pérennisé par Emmanuel Macron.

2

« Un pognon de dingue », Alternatives économiques, février 2023.

D’autre part, les APE contribuent à déséquilibrer les comptes de l’État et de la protection sociale, dont font partie les retraites. Prompt à imposer l’austérité à l’assurance-vieillesse ainsi qu’aux services publics, le gouvernement s’oppose à tout débat public sur la pertinence des APE, dont le poids est devenu exorbitant, estimé à 160 milliards d’euros par an, soit 6,4 % du PIB, et qui bénéficient surtout aux grandes entreprises.

Il y a bien deux poids, deux mesures pour le travail et le capital…

Recevez Politis chez vous chaque semaine !
Abonnez-vous

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

Temps de lecture : 2 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don