Miossec, virage au sec

Tendu vers le dépouillement, le barde finistérien publie un excellent nouvel album, Simplifier, délivrant onze chansons vaporeuses, mâtinées de new wave ou d’électro, aussi singulières que touchantes.

Jérôme Provençal  • 15 février 2023 abonné·es
Miossec, virage au sec
« Je ne voulais surtout pas que les chansons m’échappent, qu’elles se retrouvent en studio avec des professionnels de la profession. »
© Vincent Gouriou.

Cinq ans après Les Rescapés, opus mineur très (trop ?) orchestré, Miossec fait paraître Simplifier, nettement plus sobre et intense. Amorcé en solitaire puis peaufiné avec le renfort de l’ingénieur du son Paul Le Galle et du musicien-producteur Alexis Delong, ce nouvel album a été conçu à domicile par le Brestois, autour de l’inattendue triade guitare-basse-boîte à rythmes, en adoptant une économie radicale (de moyens et d’effets).

Dans Passeur, son autobiographie parue en 2021, Jean-Daniel Beauvallet – ex-rédacteur en chef musique des Inrockuptibles, qui a donné une impulsion décisive à la carrière de Miossec – écrit ceci : « J’aime que l’on se contente du peu, cette énormité courageuse. »

Simplifier tend vers cette énormité courageuse en onze chansons à l’allure fragile (comme la voix, cabossée, parfois proche de la brisure) et au charme patraque (comme la rythmique). Dotées de paroles incisives, tantôt drôles tantôt graves, toutes atteignent une grande justesse, souvent très touchante, à commencer par la splendide ballade mélancolique « Tout est bleu », en ouverture.

Exempt de scories, l’ensemble – d’où émergent aussi notamment « Mes voitures », premier single extrait de l’album, et « Une histoire de soleil » – déploie un univers sonore vraiment original, strié de riffs éthérés et de beats syncopés, quelque part entre new wave et électro/hip-hop minimaliste.

En septembre 2020, nous avions rencontré Miossec, au moment de la réédition – vingt-cinq ans après sa sortie – de Boire, son inaltérable premier album, et du démarrage de la longue tournée à travers la France accompagnant cette réédition. Simplifier nous offre une occasion idéale de reprendre le dialogue.

Comment avez-vous vécu toute la période liéeà la célébration des vingt-cinq ans de Boire ?

Miossec : Je n’ai pas trop de goût pour les commémorations, mais j’ai vraiment pris plaisir à rejouer Boire car, n’ayant pas envie d’être l’homme d’un seul album, je l’avais très peu joué pendant vingt-cinq ans. Du coup, des chansons emblématiques comme « Non, non, non, non (je ne suis plus saoul) » et « Recouvrance » n’étaient ni épuisées ni râpées – comme si elles étaient restées tout ce temps dans un placard. Je ne me sentais pas du tout en position de radotage. La musique est quelque chose de très organique : les chansons s’écrivent avec la tête mais viennent de tout le corps. Bien sûr, le temps passe, mais c’est toujours le même individu, à peu de chose près [rires].

Les chansons s’écrivent avec la tête mais viennent de tout le corps.

Les concerts de la tournée, en particulier ceux que vous avez donnés à Brest, ont dû être riches en émotions.

Il y a eu beaucoup de moments délirants. On n’en revenait pas de voir ce que ça pouvait provoquer. Il faut dire qu’on allait toucher la jeunesse du public. On leur offrait comme des madeleines.

Un peu alcoolisées.

Oui, c’est ça, au rhum [rires].

L’an dernier, Baiser, votre deuxième album, a également été réédité pour ses vingt-cinq ans. D’autres rééditions vont-elles suivre ?

Oui, Pias y travaille. Au début, j’étais un peu dubitatif, mais je trouve que ces rééditions apportent une vraie amélioration de la qualité sonore. C’est encore plus flagrant pour Baiser. Au grand dam de la maison de disques, on avait enregistré l’album de manière volontairement rudimentaire, à la campagne, à côté de Rennes. On n’avait pas fait des morceaux pour passer à la radio ou remplir des zéniths. À prendre va être réédité à son tour, l’automne prochain,

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Musique
Temps de lecture : 8 minutes