« Moissons sanglantes » : le blé noir

Dans Moissons sanglantes. 1933, la famine en Ukraine, le documentariste Guillaume Ribot raconte cette tragédie provoquée par Staline à travers les yeux d’un jeune journaliste britannique. Saisissant.

Christophe Kantcheff  • 15 février 2023 abonné·es
« Moissons sanglantes » : le blé noir
À Kharkiv, en 1933, des personnes affamées attendent une hypothétique distribution de pain. Photo clandestine réalisée par Alexander Wienerberger.
© Alexander Wienerberger.

Pour ouvrir son film sur la terrible famine organisée par Staline en Ukraine en 1933, Guillaume Ribot a choisi de montrer la pluie. Symbole de fertilité, en harmonie avec la terre noire de ce pays réputé pour sa production de blé. D’emblée, voilà un paradoxe. Ce sera d’ailleurs la question lancinante du film : pourquoi une famine dans un pays si riche en céréales ?

Moissons sanglantes. 1933, la famine en Ukraine va s’employer à y répondre, mais en menant l’enquête comme si nous y étions. Plus précisément en suivant un jeune et brillant reporter britannique, Gareth Jones, qui parle plusieurs langues, dont le russe. Arrivé à Moscou le 5 mars 1933, il parvient, malgré l’interdiction, à se rendre dans les campagnes ukrainiennes, où il constate l’état effroyable dans lequel se trouvent les paysans.

Comme ils l’avaient fait pour leur film précédent, le très fort Vie et destin du Livre noir, dont Vassili Grossman et Ilya Ehrenbourg étaient les principaux narrateurs, Guillaume Ribot et son coscénariste, Antoine Germa, ont écarté la voix off ex cathedra au profit d’une parole incarnée, subjective et synchrone, celle de Gareth Jones. On l’entend dans ses multiples notes prises sur le vif, dont il tirera ses articles. Ainsi le récit de Moissons sanglantes a-t-il un point de vue affirmé (là où trop de documentaires historiques en manquent).

La fiction au service du documentaire

À cette singularité s’en ajoute une autre. La famine n’ayant pas été ­filmée – il n’existe que de rares photos, prises clandestinement, montrant des affamés, des ­maisons

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Culture
Temps de lecture : 4 minutes