La guerre, encore et toujours ?
Le philosophe Frédéric Gros analyse le retour d’un conflit armé « classique » en Europe. En interrogeant un concept qui n’a cessé de se renouveler, de Platon à Machiavel et à Clausewitz, jusqu’aux attentats du 11 septembre 2001.
dans l’hebdo N° 1751 Acheter ce numéro

© Sergey SHESTAK / AFP.
La guerre, dans son acception ancienne ou classique, c’est-à-dire l’affrontement de deux nations et leurs armées respectives, était devenue un objet presque marginal en sciences sociales. Ou du moins, depuis 1945, daté. Avec la guerre froide et l’« équilibre de la terreur » (nucléaire), certains chercheurs ont néanmoins continué à en discuter les principes, les mécanismes, mais surtout à commenter l’évolution des différents styles de confrontations violentes.
On devrait relire évidemment Raymond Aron et son essai sur le penseur classique de la guerre : Clausewitz. Mais, depuis Hiroshima et Nuremberg, beaucoup avaient cru pouvoir affirmer la « fin de la guerre » – du moins en Occident –, sinon sa disparition. Un publiciste conservateur (tendance Reagan), Francis Fukuyama, s’est même plu à évoquer la « fin de l’histoire » au lendemain de la chute du mur de Berlin, pour mieux célébrer la « victoire » du capitalisme néolibéral sur le bloc soviétique.
Pourtant, si les guerres classiques entre États ont bien été éclipsées (ou presque) durant plus d’un demi-siècle en Occident, les formes de violences armées n’ont jamais vraiment disparu de la surface du globe.
Mais, pour le riche Nord, il s’agissait ou bien de différends supposés lointains – ethniques, religieux, infra-étatiques – ou bien, avec le développement de certains actes terroristes – notamment à partir du 11 septembre 2001 outre-Atlantique –, de guerres « diffuses ». Celles-ci ont alors fait « s’effondrer les repères stratégiques des décennies précédentes ». Tandis que se développait une « guerre globale contre le terrorisme ».
C’est ce qu’analyse ici le philosophe Frédéric Gros, éminent spécialiste (et éditeur, dans la prestigieuse collection de la Pléiade chez Gallimard) de Michel Foucault, dans une courte mais dense réflexion, qui retrace l’évolution des conflits armés, face à un « ennemi global », « sans identité nationale fixe, sans ancrage territorial ».
Mais, le 24 février 2022, le mot « guerre » s’est soudain rappelé à lui : un État, la Russie, lançait ce jour-là ses troupes, blindés et avions, contre l’un de ses voisins, l’Ukraine, bombardant ses villes, ses infrastructures énergétiques, nucléaires même, et surtout des quartiers entiers peuplés de populations civiles. Les récits des exactions des armées russes d’occupation s’étalent depuis dans les journaux.
L’Europe a donc dû changer, soudain plongée dans un cauchemar qui lui semblait n’appartenir qu’à son passé.
Frédéric Gros rappelle le véritable état de « sidération » qui fut
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