Le mouvement antifa se renouvelle
Sébastien Bourdon explore l’émergence, ces dix dernières années, d’un nouveau courant antifasciste, dont les luttes dépassent le cadre de l’opposition à l’extrême droite.
dans l’hebdo N° 1750 Acheter ce numéro

© Fiora Garenzi / Hans Lucas /AFP.
Il n’est pas étonnant que, dans une période marquée par une extrême-droitisation générale du débat public, le mouvement antifasciste, qui se tient à la pointe du combat contre cette gangrène, fasse l’objet d’une campagne de dénigrements et de calomnies – à laquelle contribue l’ensemble des formations du prétendu « arc républicain », puisque c’est à l’époque où les socialistes François Hollande et Manuel Valls étaient aux affaires que « la figure de l’antifa » est devenue en France (1) un « véritable épouvantail politico-médiatique », comme le constate Sébastien Bourdon dans son passionnant premier livre.
Parce qu’il s’est gagné la confiance de militants et de militantes habituellement réfractaires (pour d’évidentes raisons) à toute exposition, ce journaliste, qui ne tait pas que son écriture est située, a pu enquêter sur ces activistes qui préfèrent, c’est le titre de l’ouvrage, « une vie de lutte plutôt qu’une minute de silence » – principe dans lequel se devinent l’exigence et l’intransigeance d’un engagement où l’affrontement avec les fascistes est parfois très concret.
Après un rapide rappel de ce qu’a été la déjà longue histoire de l’activisme antifasciste hexagonal – mentionnant la constitution, au mitan des années 1980, des Sections carrément anti-Le Pen (Scalp), puis celle, vingt ans plus tard, des Rash (Red and Anarchist Skinheads) –, Sébastien Bourdon raconte la création de l’Action antifasciste Paris-Banlieue (AFA), « incontestablement l’organisation qui a le plus marqué l’antifascisme en France ces dix dernières années », et qui a beaucoup œuvré à « renouveler » ses « codes militants », en l’émancipant notamment de son « appartenance à une contre-culture spécifique, redskin ou anarcho-punk par exemple ».
Le journaliste insiste, à bon droit, sur ce qu’il y a de novateur dans l’« identité politique » et la structuration de l’AFA, qui rompt avec le présupposé faisant « de la lutte contre le Front national l’alpha et l’oméga de l’antifascisme », pour postuler plutôt, comme le rappelle l’un de ses manifestes, qu’« un antifascisme conséquent aujourd’hui ne peut pas faire l’impasse sur des luttes comme celle contre le massacre des migrants en Méditerranée, la gestion néocoloniale des populations non blanches, le déchaînement islamophobe, les violences policières, l’institutionnalisation de l’état d’urgence, les politiques antiterroristes ou la chasse aux islamo-gauchistes, etc. ».
Un antifascisme conséquent aujourd’hui ne peut pas faire l’impasse sur des luttes comme celle contre le massacre des migrants en Méditerranée.
L’un des grands mérites de Sébastien Bourdon est de ne rien idéaliser d’un mouvement traversé de
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