Macron, keynésien de droite

Avec Emmanuel Macron, la dette française flambe, comme nulle part ailleurs en Europe. Mais la « relance » macronienne est centrée sur les entreprises, sur fond d’une politique structurelle de démantèlement de l’État.

Jérôme Gleizes  • 9 mars 2023
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Macron, keynésien de droite
Manifestation contre la réforme des retraites à Paris, le 7 mars 2023.
© Lily Chavance

Comment classer la politique économique d’Emmanuel Macron et de ses gouvernements successifs depuis son élection ? Au regard des indicateurs macroéconomiques, difficile de la ranger parmi les politiques libérales.

La dette française trimestrielle est passée entre 2017 et le troisième trimestre 2022 de 2 252 à 2 982 milliards d’euros selon Eurostat. En pourcentage de PIB, la hausse est de 15,3 % pour atteindre 113,4 % du PIB, alors que les traités européens n’autorisent que 60 %. C’est la hausse la plus importante en Europe. L’Allemagne n’a une hausse que de 2,2 % pour un rapport de 66,6 %.

Cette hausse de la dette est la conséquence de déficits budgétaires successifs qui témoignent du fait que la France n’a jamais choisi une politique austéritaire. Même en 2018, le déficit public de l’État était de 2,9 % alors que, là aussi, le pacte budgétaire européen (TSCG) stipulait que le déficit structurel ne devait pas dépasser 0,5 % du PIB.

Il y a une politique structurelle du démantèlement de l’État, de l’industrie au bénéfice des plus riches.

L’État français mènerait donc une politique économique très active qui ne s’explique pas uniquement par l’impact du covid-19, au regard des comparaisons européennes. Une expression de Macron illustre cela : « quoi qu’il en coûte ».

Mais, contrairement à une politique keynésienne contracyclique de soutien au pouvoir d’achat des ménages, de relance par une politique d’investissements structurels, la « relance » macronienne est un soutien centré sur les entreprises, voire une socialisation des dépenses d’entreprises (salaires avec le chômage partiel, dépenses courantes, énergie…), mais sans la propriété du capital des entreprises et donc sans impact sur les décisions.

Une étude évalue à 157 milliards d’euros (1) le soutien aux entreprises pour l’année 2019, donc avant l’accélération des années covid. Cela représente une hausse de presque 30 % en deux années de mandat Macron, 6,44 % du PIB, soit plus que le déficit budgétaire de l’État !

Les aides comme le crédit impôt recherche ne sont pas nouvelles, mais ces dépenses s’accélèrent et sans condition. Néanmoins, il y a une rupture. Ce n’est pas un soutien au capital et « un État-providence caché en faveur des entreprises », mais un soutien à une classe sociale, les capitalistes, avec en même temps une suppression de l’ISF et la mise en œuvre d’une « flat tax » (plafonnement des revenus du capital). Il y a une politique structurelle du démantèlement de l’État, de l’industrie au bénéfice des plus riches (2).

2

L’Emprise. La France sous influence, Marc Endeweld, Seuil, 2022.

Depuis son arrivée comme secrétaire général adjoint de l’Élysée dès le début du quinquennat Hollande, et même avant, Emmanuel Macron a été un acteur important du démantèlement des fleurons de l’industrie française (Alstom, Alcatel, GDF, Suez…). Exonérer de cotisations sociales, c’est également réduire à terme les salaires différés que sont les retraites et les allocations de chômage.

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